Une vingtaine de sacs en polystyrène sont posés au sol. Certains sont remplis de bouteilles en plastique. D’autres sacs contiennent des cartons ou des métaux usés. Nous sommes sur l’avenue Saio, commune de Kasa-Vubu, à Kinshasa, capitale de la RDC, non loin du croisement avec l’avenue Forces à Gambela, toujours dans la même commune.
Une décharge à ciel ouvert. Une odeur insupportable se dégage. Pour s’approcher des personnes qui fouillent les ordures, il faut porter un cache-nez. Pas contre le coronavirus, mais le cache-nez pour atténuer l’odeur de la puanteur. Des pousse-pousseurs avec leurs charriots peinent à monter au sommet des déchets.
Certains jettent les déchets qui s’amoncellent et prennent de plus en plus d’espace sur cette avenue.
D’autres pousse-pousseurs récupèrent des cartons qu’ils empilent et attachent. « Ce sont des cartons qu’on vend et qui vont être recyclés dans la fabrication des papiers hygiéniques, etc. » lâche distraitement un pousse-pousseur, concentré à trouver sa marchandise.
D’autres personnes sont sur le talus. Ils fouillent, les contours et autre recoins de tas d’immondices. Ils y ramassent des objets qui vont être vendus et avoir une nouvelle vie après leur mort dans les poubelles. « Un trésor est caché dedans », pourrait dire Jean de La Fontaine dans la fable: le laboureur et ses enfants.

« Je vends des bouteilles en plastiques que je récupère dans les décharges et autres poubelles. Ces sacs remplis de bouteilles iront dans des usines de fabrication plastique à Limete pour être recyclées. Je gagne environ 2.000 FC par kilo de déchets ramassés. Par semaine, je gagne plus de 90.000 FC », déclare Sylvie Pimba, mère de famille, la cinquantaine révolue et veuve. La quinquagénaire pour des babouches troués par endroits, un pagne usé, sans aucun masque alors qu’elle a la tête baissée à chercher les bouteilles dans les ordures qu’elle ne cesse de tourner et retourner.
Sylvie Pimba a tout perdu à la mort de son mari. Accusée de sorcellerie, sa belle-famille lui aurait ravi les biens de son ménage. « Pour vivre, je suis devenue ramasseuse de déchets. Je vis chez un ami d’enfance actuellement », confie la femme.
En plus du ramassage des ordures, Sylvie est aussi femme de ménage. Un travail qui laisse un peu de répit à ses narines après la fouille dans les ordures.
D’autres femmes comme Sylvie rivalisent avec des hommes plus jeunes et plus forts. Les jeunes gens peuvent emporter d’un seul coup une charge lourde, pendant que les femmes doivent la fractionner en faisant plusieurs tours.
Une autre décharge, des scènes similaires.
Dans la commune de Bandalungwa, une autre décharge se trouve près du terrain municipale. Léon Mwanza, 56 ans, « vit de la décharge » depuis des années. « Je vis grâce à ces ordures. Pour 10 Kg des plastiques, je perçois 10.000 FC de la part d’une des sociétés de recyclage des déchets. Car c’est ma seule source de revenus », a-t-il déclaré. Ses narines sont tellement habituées qu’il ne ressent même plus l’odeur qui nous tient à distance de la décharge. Il n’y aurait pas de sot métier, dit-on.
Ali Maliki