Deux condamnations, dont une peine de mort et un acquittement. Après plusieurs mois d’audiences, la Haute cour militaire a rendu son verdict dans le procès du double meurtre de Floribert Chebeya, activiste des droits de l’homme et de son assistant, Fidèle Bazana. La Voix des sans voix (VSV) veut voir le général John Numbi, en fuite, être jugé pour répondre de ses actes. Rostin Manketa, directeur exécutif de la VSV, confie à Sahutiafrica.
Mercredi 11 mai, Christian Kenga Kenga a été condamné à la peine capitale. Jacques Mugabo à 12 ans de prison. Paul Mwilambwe acquitté. Mais ce long procès à la Haute cour militaire s’est déroulé sans le général John Numbi, principal accusé. Christian Kenga Kenga, quant à lui, a boycotté les audiences. Entretien.
Sahutiafrica : Est-ce que vous vous attendiez à ce verdict malgré l’absence du général John Numbi ?
Rostin Mankenta : Le verdict rendu nous a satisfait partiellement. Mais, il y a eu des moments très importants lors de ce verdict. Il s’agit de la condamnation à mort de Christian Ngoy Kenga Kenga, qui était le commandant du bataillon Simba et bras droit du général John Numbi. On n’imagine pas que c’était quelqu’un qu’on pouvait arrêter aussi facilement avec l’ancien régime. Le fait qu’il ait été arrêté, jugé et condamné, c’est quand même une avancée. Il est évident qu’en tant que défenseurs des droits humains, nous n’encourageons pas la peine de mort.
Nous espérons qu’il passera tout le reste de sa vie en prison. Pour Jacques Mugabo, qui a écopé 12 ans de prison, nous jugeons cette peine dérisoire. 12 ans, c’est trop peu face à la gravité du crime auquel il a participé. Nous aurions souhaité qu’il soit condamné à plus de 12 ans de prison. C’était trop complaisant. En ce qui concerne le major Paul Mwilambwe, nous avons salué son acquittement parce qu’on le considérait comme témoin clé dans cette affaire. Il n’est pas trempé dans cet assassinat. Nous avons eu beaucoup d’informations, qui ont aidé la justice militaire d’avancer avec le procès. C’est au cours du procès que nous avons vu, par exemple, le colonel Mukalayi condamné au premier degré, révélé tant de choses. Il dit qu’on lui faisait porter le chapeau. John Numbi est le principal commanditaire. Et qu’il est trop malicieux. M. Mukalayi l’a avoué lors du procès en appel, alors qu’il s’est réservé lors du premier procès avec l’ancien régime.
SA : Ce verdict est-il un pas dans la lutte contre l’impunité des crimes sur les défenseurs des droits humains ?
RM : Oui, un pas a été franchi. Obtenir la condamnation de deux colonels, dont Christian Ngoy Kenga Kenga et Daniel Mukalayi, mais aussi Jacques Mugabo, c’est une avancée, même si la série continue. Il faut que la justice militaire puisse aller jusqu’au bout. Les autorités congolaises doivent tout mettre en œuvre pour dénicher John Numbi de sa cachette. Qu’il soit arrêté et le présenter à la justice pour qu’il réponde de ses actes.
SA : Vous insistez sur la comparution de John Numbi et d’autres complices. Pensez-vous que tout n’a pas été révélé ?
RM : Il est important de souligner que beaucoup de choses ont été dites durant ce procès en appel. L’avantage dudit procès avec trois prévenus, ci-haut cités, est que des nouvelles informations ont été révélées par rapport au premier procès. Mais le problème est que le principal suspect, tant réclamé par la Voix des Sans voix pour droits de l’homme et d’autres organisations nationales et internationales des droits humains est encore en cavale. C’est un suspect, dont le nom avait été cité dès le premier jour de la découverte du corps sans vie de Floribert Chebeya. Il s’agit du général John Numbi, qui n’a jamais été jugé dans cette affaire. Je pense que s’arrêter à ce niveau, ce serait consacré le régime des intouchables en RDC. Il faut qu’il y ait un nouveau procès au cours duquel John Numbi devra comparaitre ainsi que d’autres noms cités lors ce procès en appel.
SA : Le prochain épisode serait de voir le général John Numbi à la barre ?
RM : A tout prix. Tant qu’il ne se présentera pas devant la justice, je crois qu’il n’y aura pas de justice pour Chebeya et Bazana. S’il avait reçu les ordres d’exécuter ces deux défenseurs de droits de l’homme, il est temps qu’il l’avoue. C’est très important pour nous.
Propos recueillis par Trésor Mutombo