Un cessez-le-feu de 72 heures censé entrer en vigueur mardi a été conclu au Soudan entre les belligérants sous l’égide des Etats-Unis, après dix jours de combats qui ont fait des centaines de morts et poussé des dizaines de milliers d’habitants au départ.
Dans Khartoum, les explosions et les tirs se sont effectivement faits rares mardi alors que, comme à chaque annonce de trêve, les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo ont accusé l’armée du général rival Abdel Fattah al-Burhane de continuer à survoler Khartoum.
Peu avant minuit à Khartoum, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken avait annoncé avoir obtenu des engagements des deux camps à respecter « un cessez-le-feu » de 72 heures.
L’intensité des combats dans plusieurs quartiers avait de fait baisser depuis le début samedi des évacuations d’étrangers. Mardi, de nouveau, le Royaume-Uni a annoncé entamer l’évacuation de ses ressortissants, trois jours après celle de ses diplomates, en « priorité les familles avec enfants et les personnes les plus âgées ou avec un problème de santé ».
Dans d’autres quartiers toutefois, les affrontements s’étaient faits plus destructeurs encore. Sur des vidéos mises en ligne qui n’ont pas pu être authentifiées dans l’immédiat par l’AFP, magasins incendiés, immeubles écrasés et civils hagards au milieu des décombres encore fumant témoignent de la violences des raids aériens et des tirs d’artillerie.
«Intenses négociations»
Depuis le début des hostilités le 15 avril, plus de 420 personnes ont été tuées et des milliers blessées, selon l’ONU, mais « après d’intenses négociations », l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR) « ont accepté un cessez-le-feu dans tout le pays », a affirmé M. Blinken peu avant l’entrée en vigueur de la trêve à minuit (22H00 GMT lundi).
L’armée du général Abdel Fattah al-Burhane , dirigeant de facto du Soudan depuis le putsch de 2021, et les paramilitaires de son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo , ont confirmé une « trêve dédiée à l’ouverture de couloirs humanitaires ».
Khaled Omar Youssef, le porte-parole des Forces de la liberté et du changement (FLC), le bloc civil historique évincé du pouvoir lors du putsch, a déclaré à l’AFP se féliciter « d’une médiation américaine » qui a établi, avec les civils, « des contacts avec l’armée et les FSR » en vue « de cette trêve humanitaire ».
« Elle donnera lieu à un dialogue sur les modalités d’un cessez-le-feu définitif », a-t-il précisé, alors que M. Blinken a dit travailler avec des alliés à une « commission » chargée de négocier la cessation permanente des hostilités au Soudan. L’armée a évoqué une médiation « saoudo-américaine ».
Explosions, raids aériens et tirs n’ont pas cessé depuis le 15 avril à Khartoum, plongée dans le chaos. Ceux qui ne peuvent s’enfuir tentent de survivre, privés d’eau et d’électricité, soumis aux pénuries de nourriture et aux coupures d’internet et de téléphone.
La guerre ouverte entre les deux généraux dans ce pays de l’est de l’Afrique risque « d’envahir toute la région et au-delà », a mis en garde le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Le Conseil de sécurité doit se réunir mardi soir au sujet du conflit.
Malgré le départ de nombreux diplomates et citoyens étrangers, Volker Perthes, le chef de la mission de l’ONU qui tente depuis quatre ans d’obtenir des militaires au pouvoir une transition vers la démocratie, est resté dans le pays.
Plus de 1.000 ressortissants de l’UE ont été évacués. Tokyo a annoncé mardi avoir évacué « tous les Japonais qui se trouvaient à Khartoum » et désiraient partir.
«Long voyage»
Environ 700 employés internationaux de l’ONU, d’ONG et d’ambassades « ont été évacués vers Port-Soudan », a indiqué l’ONU. Des dizaines d’autres employés humanitaires ont été évacués vers le Tchad depuis le Darfour, dans l’ouest, la région la plus touchée par les combats avec Khartoum.
« Alors que les étrangers qui le peuvent s’enfuient, l’impact des violences sur une situation humanitaire déjà critique s’aggrave », prévient l’ONU, dont les agences ont suspendu leurs activités.
Cinq humanitaires ont été tués et, selon le syndicat des médecins, près des trois quarts des hôpitaux sont hors service. Lundi soir, près de 200 ressortissants d’une vingtaine de pays, ont débarqué à Jeddah en Arabie saoudite.
« Nous avons fait un long voyage de Khartoum à Port-Soudan. Ça nous a pris environ 10 ou 11 heures » puis « encore 20 heures sur ce bateau », affirme à l’AFP le Libanais Souhaib Aïcha, sa fillette en sanglots dans les bras.
AFP/Sahutiafrica