Le chargé de l’argent du pays est un homme rare. Il est trop occupé à compter l’argent de la République. Cette République qui lui a cédé les finances, les impôts et taxes, les redevances, les dons et legs à la République, et surtout la Banque Centrale du Congo (BCC).
Les rumeurs disent qu’il y aurait un hôtel là-bas. L’hôtel de monnaie où tous les riches de la République dorment. Mais, je ne crois pas aux rumeurs. Mais, l’hôtel de monnaie est rarement rénové selon les dires des murs de la République.
Au pays, les riches en nombre n’augmentent pas, leur nombre baisse. Leur nombre ne fait que baisser et baisse encore. La vitesse de diminution des riches de la République a atteint la vitesse maximale. La faute à l’IGF (Inspection générale des finances) semble-t-il. L’IGF aurait donné un coup de frein depuis un temps au train de vie de certains sur le dos et ventre de la République! Que Dieu bénisse l’IGF! Houps. Je voulais juste dire qu’ils font le travail pour lequel ils sont là. Avant, on n’avait pas l’habitude de voir un service faire parler de lui par son travail.
Sous l’impulsion du ciel, je prie que le ciel fasse pleuvoir sur ses argents (oups!) sur ses agents la rigueur, le dégoût de l’argent public, et surtout une armure contre la corruption. Je me perds un peu. Mais, bon!
Le chargé de l’argent de la République
Qu’à cela ne tienne, on l’a eu. Il est là. On vient de l’apercevoir. Il nous a vu. Il a encore vérifié si c’était bel et bien nous. Une fois, en face de lui, une fois dans son bureau, assis, bien installé en face de son ventre imposant si pas important parce que bedonnant, il nous fixe. Moi et mon collègue. Le regard ouvert au semblant de rire, le voilà alors qu’on a rien dit en train de nous pointer déjà du doigt (Sans nous doigter, rassurez-vous) en criant :
– La République est sans argent. Ma santé physique et morale n’a rien avoir avec l’argent du pays. Mon embonpoint, je le dois à mon sang, mes aïeux, mes ancêtres, mes dignes parents perdus à jamais ont tellement mangé en leur temps, pour qu’on ait à vivre gros, obèse, sans manger.
Quel digne héritage en effet! Si je pouvais ne fût-ce que manger le dixième de ce qu’il mangeait, Goliath serait bien nain devant moi. Mais toujours, la crise, toujours les crises, financières, culturelles, sanitaires, et nous voici gros malgré nous dans un environnement misérable.
Je suis aussi pauvre que vous devant eux
Il prend un air de plus en plus sérieux avant d’ajouter: mais qui croirait que si le pays est pauvre que cela commence par moi? Oui! Moi l’unique et le seul argentier du pays. Moi, le patron des patrons de la République. Oui, chers amis, je suis bien pauvre, bien misérable, mais qui le croirait? Qui me croirait ? Je me bats pour dépasser Bill Gates, et même celui qui a fait Amazon, et les autres riches connus. Mais toujours devant eux, je reste misérable. Devant eux, je suis un pays pauvre. Pays pauvre endetté, surendetté, cela à tel point qu’on ne pèse pas devant les riches du monde et c’est bien misérable.
Les émotions ont pris le devant et le chargé de l’argent du pays s’est mis à chialer comme un môme. Il pleurait si sérieusement que finalement son porte-parole nous a demandé de revenir un autre jour. Et on aurait été bête de refuser le 2000 dollars américains de transport qui nous avait été réservé pour l’interview. C’est le vin en argent de la République, il a été tiré, il faut le boire… Un regard rapide dans la salle, aucune caméra. L’argent a disparu dans mes poches. Mais, pas ce que je vous raconte. Voilà comment ma rencontre fictive avec le chargé de l’argent de la République s’est déroulée.
Christian Gombo