Le Smockey dénonce les troisièmes mandats des présidents africains dans «Le Syndrome de la Pintade »

«Le Syndrome de la pintade» est la dernière oeuvre du rappeur et militant burkinabé Serge Bambara, plus connu sous le nom de Smockey. Dans cette œuvre, l’artiste lance un message aux acteurs politiques du continent et du Burkina Faso, à un mois des élections présidentielles dans son pays. Il dénonce la tendance des politiques africains à vouloir rester le plus longtemps au pouvoir en briguant plus de deux mandats présidentiels. Smockey y mélange la musique à l’art dramatique pour dénoncer le «mal des élites» africaines. C’est la deuxième partie de cette interview exclusive qu’il a accordée à Sahuti Africa.

Sahuti Africa: Pourquoi est-ce un mal pour vous qu’un président de la République puisse briguer un troisième mandat.

Smokey: Parce que c’est un mal pour tous, qui impliquerait que chaque Africain se résigne à penser qu’il y a des élites uniques, incontournables et irremplaçables, quand bien même nous sommes tous faits de chair et de sang avec des parcours similaires. À qui profite un troisième mandat ? Au peuple, à la nation ou à un individu et son clan pour lui permettre de consolider son pouvoir et ses affaires personnelles sur le dos du contribuable et du citoyen ? L’état n’est-ce pas la continuité ? Les chantiers à continuer ne peuvent-ils l’être par de nouveaux arrivés sachant que le continent regorge de ressources humaines dynamiques et jeunes ? Obama disait qu’il fallait à l`Afrique des institutions fortes. Ce à quoi Blaise Compaoré a répondu que ce sont les hommes forts qui mettent en place des institutions fortes, la suite on la connait…

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SA: A qui est destiné votre message ? Le peuple ou les dirigeants?

Smokey: D’une part le peuple, principal dindon de la farce qui gagnerait à assumer sa citoyenneté donc son rôle politique de premier plan. Puisque c’est lui qui décide dans les textes – dans le syndrome de la pintade- le peuple est représenté par les poulets, obligés de danser pour produire de l’énergie permettant d’extraire un minerai très recherché par les pintades appelé le puranium.

D’autre part effectivement ces élites qui nous gouvernent, mais pas seulement. Je m’adresse aussi à ceux nous contrôlent, nous orientent, nous influencent ou nous perdent…Les oligarchies, les institutions financières, les mastodontes de l’industrie, les lobbys, les intellectuels, les puissants courants de pensée religieux et autres, etc. Ces différentes personnes nous ont-elles trahi, trompé ou simplement profité de notre silence ?

SA:  En faisant passer votre message à travers l’humour, est-ce pour en faciliter la réception par le public? Ne craignez-vous pas que celui-ci passe à côté de l’essentiel du message ou le prenne à la légère ?

Smokey:  Non, pas du tout. Lorsque qu’on avale un médicament enrobé pour le rendre plus agréable à avaler, est ce qu’on en diminue les effets curatifs ? Par contre que le message soit pris à la légère » ne m’offusque pas pour autant. Il faut désacraliser le politique, le démystifier, rendre le sujet élémentaire et à la portée de n’importe quel citoyen. Car après tout, il s’agit simplement d’hommes et de femmes à qui le peuple concède un mandat d’une durée déterminée pour le servir et non se servir. Une affaire simple, qui se complique lorsque ces élus se révèlent être de parfaits malhonnêtes au service de leurs intérêts égoïstes et crapuleux.

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Mais comme disait Sankara, la maladie ne se guérit pas en prononçant le nom du médicament, il faut le prendre…

Sahuti Africa: Quelles sont, d’après vous, les erreurs que les élites africaines ne cessent de reproduire?

Smokey:  D’une part, le mensonge, la cupidité, le manque de sens de l’honneur. Ils se dénient tout le temps. Des caractéristiques bien éloignées de ce que les électeurs attendent d’eux au final. Si vous rajoutez à tout cela la méchanceté et la bêtise, les portes de l’enfer s’ouvrent pour tous…

D’autre part, s’il arrive qu’ils soient sincères, les hommes politiques sont malheureusement préparés à conquérir le pouvoir mais pas à le gérer correctement et en à assumer la charge. Ce qui compte pour beaucoup, c’est d’être dans la maison et une fois dans la maison ils s’y perdent en perdant tous les occupants aussi bien que le voisinage. Il faut à tout prix participer au jeu et une fois sur la table de jeu ils se rendent compte qu’ils ne savent pas y jouer, pour le plus grand malheur des spectateurs de ce désastre.

Propos recueillis par Benoit Kazim

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