Après Libreville, Luanda et Brazzaville, Emmanuel Macron, président français, boucle sa tournée à Kinshasa, capitale congolaise, où sa position est très attendue dans un contexte marqué par de tensions entre la RDC et le Rwanda sur fond de la résurgence du M23.
Pour Christian Moleka, analyste politique et coordonnateur de la Dynamique des politologues congolais (Dypol), cette visite ne changera pas grand-chose. Il affirme que la France attend expliquer aux différents États sa nouvelle stratégie sur l’Afrique. Sur la situation sécuritaire, l’analyste estime que la position de Paris est un peu « ambiguë ».
Enjeux économiques et stratégiques
« Il y a des enjeux économiques entre la France et le Rwanda, notamment autour de Total avec le projet pétrolier de Cabo Delgabo au Mozambique, où le Rwanda joue un rôle majeur dans la sécurisation des zones d’exploitation. La France se trouve en quelque sorte au milieu du gué entre ses intérêts économiques et des intérêts stratégiques d’un pays francophone comme la RDC. C’est à nous de montrer que stratégiquement, nous valons plus que le Rwanda. Et que la France a beaucoup plus à perdre, en s’alignant contre nous qu’avec nous », dit M. Moleka.
Il est 23 heures lorsque le président Emmanuel Macron atterrit à Kinshasa, accueilli par Sama Lukonde, Premier ministre congolais. Ce samedi, il aura un tête-à-tête avec son homologue congolais, Félix Tshisekedi. A Kinshasa, le chef de l’État français sait que ses mots autour de l’épineux dossier du M23 sont attendus et seront analysés minutieusement.
Paris doit-il clarifier sa position ?
Lors de sa dernière sortie médiatique, Emmanuel Macron a qualifié le M23 d’une milice et a déclaré que l’intégrité territoriale de la RDC ne se discute pas », mais sans toutefois pointer Kigali. Pourtant, Kinshasa voit cette rébellion comme un mouvement terroriste soutenu par le Rwanda. Des mouvements citoyens appellent Paris à condamner ouvertement le Rwanda pour cette agression. Devant un parterre de journalistes, Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, n’a pas mâché ses mots. « L’opinion congolaise attend de la France de clarifier sa position. Nous ne voulons pas des discours ambigus », a-t-déclaré.
«Le Congo attend un soutien clair de la France sur la question sécuritaire…»
A la veille de cette visite, plusieurs mouvements ont manifesté contre l’arrivée du président Macron devant l’ambassade de la France. « Macron n’est pas le bienvenu en RDC », ont scandé les manifestants. Cette visite peut-elle faire bouger les lignes dans cette crise ?
« Le Congo attend un soutien clair de la France sur la question sécuritaire et un engagement à soutenir le Congo à résoudre cette guerre, notamment en termes de la condamnation du Rwanda et éventuellement en termes de sanctions. C’est une situation diplomatique attendue, mais aussi ce que réclame l’opinion intérieure. Nous attendons voir, si le président français va donner une réponse qui va satisfaire l’opinion congolaise ou continuera à jouer à sa langue de bois habituelle. Celle d’être à cheval entrer le Congo et le Rwanda, en équilibrant et trouvant toujours des réponses pour satisfaire les deux parties », argue Christian Moleka.
«J’aimerais voir des actes concrets. Des sanctions à l’égard du Rwanda par exemple»
Il pense qu’il est probable que la pression intérieure change les éléments du langage du président français. « J’aimerais voir des actes concrets. Des sanctions à l’égard du Rwanda par exemple. De ce point, je vois très mal la France, en tenant compte des enjeux stratégiques sur le terrain, aller aussi loin. Certainement, il y aura une évolution des éléments du langage pour calmer l’opinion congolaise. Mais je suis assez sceptique pour les résultats à long terme ». L’analyste politique congolais reste sceptique.
Depuis la résurgence du M23, les relations entre Kinshasa et Kigali, qui oscillent entre tièdes et volcaniques depuis les années 94, naviguent sur les eaux troubles. Les deux pays s’accusent mutuellement de soutenir les groupes rebelles et de torpiller le processus de Luanda. Pour la RDC, le Rwanda soutient ce groupe. Ce que le Rwanda dément et accuse l’armée congolaise de coaliser avec les rebelles rwandais FDLR.
Entre-temps, les FARDC et les rebelles du M23 continuent de s’affronter dans le territoire de Masisi, alors que les dirigeants Est-Africains ont appelé à un cessez-le-feu lors d’un sommet spécial élargi à l’Angola à Addis-Abeba.
Trésor Mutombo