« Entre moi et Papa Wemba, c’est l’histoire d’un fan de l’artiste, qui est devenu ami et habilleur de son idole », raconte Ladji Ibrahima Ouattara, alias Cardinal Ekumany, sapeur ivoirien et propriétaire de la marque qui porte son nom.
Commune de Marcory, dans le sud d’Abidjan, rencontre avec ce fan un peu particulier de Papa Wemba, star de la musique congolaise. Direction Treichville, son quartier général. En fait, l’histoire entre ce fan de l’artiste congolais décédé sur scène à Abidjan en Côte d’Ivoire le 24 avril 2016, ressemble à un conte de fée.
A Abidjan, Ladji Ibrahima Ouattara, alias Cardinal Ekumani est connu pour être un sapeur. En réalité, il perpétue le goût de son idole pour les vêtements.
Vendredi 9 septembre 2021. Le ciel est rayonnant à Abidjan. Lunettes noires aux yeux, abacos taillé sur mesure et chaussure en peau de crocodile aux pieds, Cardinal Kumani, descend de son véhicule climatisé. « C’est Papa Wemba lui-même qui m’a donné ce surnom », précise celui qui se sent investi de la mission de Papa Wemba, sa star et son idole.
Ce membre de la Société des ambianceurs et des personnes élégantes, la Sape, est élégant. Après quelques salutations, il nous demande de monter dans son véhicule assorti aux couleurs bleues de son abacos. « Proclamation » de Papa Wemba joue dans cette voiture. Ladji Ibrahima était dans la délégation qui a ramené la dépouille de Papa Wemba à Kinshasa. A force d’écouter son artiste, cet Ivoirien parle lingala et comprend la langue dans laquelle Wemba chantait.
Comment est-il devenu proche de l’artiste congolais?
« En 1990, Papa Wemba devrait livrer un concert à Abidjan. Pour participer à ce concert, je me suis inscrit à l’Institut français afin de payer un demi-tarif pour assister au concert. A cette époque, j’étais élève au collège. Mon feu oncle, à qui je parlais de mon père, était allé au concert sans moi. Il m’a dit de rester pour dormir à temps parce que je devais aller à l’école le matin. J’avais un plan B. Il était surpris de me voir dans la salle en train de chanter avec Papa Wemba sur le podium », raconte-il depuis son volant.
Pour rien au monde, il ne pouvait rater le passage de Wemba à Abidjan. Mission accomplie pour cet élève, déjà fan de la star congolaise.
Dans le cercle de Papa Wemba
« Au cours du concert lorsqu’il interprète la chanson Bokulaka, Papa Wemba demande à celui qui connait le refrain de la chanson de venir sur scène. Personne ne se manifeste. Les gens connaissent seulement les chansons du nouvel album Voyageur. Quand je prends le micro que Wemba me tend, je chante sans hésiter le refrain de Bokulaka. Wemba est surpris. Et, c’était mon premier contact avec Papa Wemba, cette idole inatteignable que j’avais à mes côtés, sur la même scène », se souvient-il.
C’est en 2006 que le Cardinal Ekumani devient proche de Jules Shungu Wembadio. Après un concert manqué en 1997, Ekumani est dans l’équipe chargée de faire la promotion d’un concert qui va réconcilier Papa Wemba avec les mélomanes ivoiriens. A l’hôtel Ivoire, le concert est une réussite. Depuis, le Cardinal Ekumani s’immerge dans le cercle restreint de l’artiste congolais. Ce dernier a même motivé le sapeur à lancer sa ligne de vêtements : Cardinal Ekumani (CE). C’est chose faite depuis quelques années.
« Quand Papa Wemba venait à Abidjan, j’allais à l’aéroport pour l’accueillir avec d’autres sapeurs. C’était quand même le Vieux Beau et Cool. Durant son séjour, il était avec moi. Je ne rentrais à la maison que quand je le déposais à son hôtel. J’étais toujours à sa disposition », relate Ibrihima Ouattara.
Traumatisme de la mort de Wemba
Le 24 avril 2016. Le temps est suspendu à Anoumabo, commune située dans le sud d’Abidjan. Papa Wemba tombe sur scène de la 9e édition du Femua. Le lendemain, la presse ivoirienne et les médias du monde annoncent la mort du roi de la rumba congolaise. Une tragédie pour Cardinal Ekumany. Lorsqu’on évoque les souvenirs de la mort de Wemba, Cardinal Ekumany a la gorge serrée, tendue, mélancolie et n’arrive plus à parler et cache sous ses lunettes de soleil ses yeux rougissants.
«J’ai vu mon idole. Je l’ai côtoyé. Puis je l’ai habillé»
Ekumany n’imagine pourtant pas une telle tragédie lorsqu’il accompagne l’artiste Papa Wemba au concert à bord son véhicule comme d’habitude. Ce soir-là, c’était les derniers instants qu’il a passé avec son idole, devenu son ami. C’est la fin d’une histoire qui a débuté comme dans un rêve pour le Cardinal Ekumany.
« Combien de fans ont eu la même chance que moi ? Il y a des gens qui était fan de Michael Jackson sans le voir de leurs yeux jusqu’à sa mort. J’ai vu mon idole. Je l’ai côtoyé. Puis je l’ai habillé », regrette Cardinal Ekumany, entre deux profondes inspirations. Il n’arrive toujours pas à réaliser que Papa Wemba n’est plus de ce monde. Triste fin. Triste réalité à laquelle Cardinal Ekumany devra s’y faire. Il garde toujours sa religion : « Kitendi ». L’habillement.
Trésor Mutombo