Au Sénégal, où une nouvelle date de la présidentielle est toujours attendue, l’opposant Khalifa Sall, un des principaux candidats, bat campagne malgré tout.
Casquette noire sur la tête, il serre les mains de ses partisans rassemblés dans un quartier populaire de Dakar. « Nous voulons Khalifa » comme président, scande la foule de centaines de personnes dans une ruelle pavée du quartier de Hann-Bel Air, un fief de Khalifa Sall, sans lien de parenté avec le président sortant Macky Sall.
« Depuis le 4 février, nous sommes en campagne, le processus électoral continue », déclare-t-il vêtu d’un ensemble en jean noir, au milieu des T-shirts et ballons à son effigie.
« Politiquement et légalement, nous sommes en droit d’être en campagne », dit-il, souriant, suivant en se déhanchant les chants et slogans à sa gloire, au rythme des tams-tams et des vuvuzelas.
Les Sénégalais qui devaient voter dimanche prochain ignorent quand ils se rendront aux urnes à la suite d’une décision, inédite depuis l’indépendance en 1960, du président Macky Sall qui, le 3 février, a décrété le rapport de l’élection juste avant l’ouverture officielle de la campagne. S’en est suivie d’une crise marquée par des manifestations réprimées par les forces de l’ordre. Trois personnes ont été tuées.
Le Conseil constitutionnel a ensuite invalidé le rapport et a demandé au président Sall, qui n’est pas candidat à sa succession après deux mandats consécutifs depuis 2012, d’organiser l’examen « dans les meilleurs délais ».
Un débat vif s’est ouvert sur la tenue de la présidentielle avant ou après le 2 avril, expiration officielle du mandat de cinq ans de Macky Sall, ainsi que sur une reprise à zéro ou non du processus électoral et du maintien des mêmes 20 candidats désignés en janvier par le Conseil constitutionnel. Il n’en reste plus que 19 après le retrait de l’une des deux seules femmes en cours.
A 68 ans, Khalifa Sall se présente pour la première fois à une présidentielle après en avoir été empêché en 2019 à cause d’une condamnation.
Cet ancien député, enseignant de formation élu maire de Dakar et 2009 et réélu en 2014, avait été reconnu coupable de détournement d’environ 2,5 millions d’euros des caisses de la capitale sénégalaise, et condamné en 2018 à cinq ans de prison.
«Il a bien travaillé à Dakar»
Khalifa Sall a toujours protesté de son innocence et crié au coup monté. Emprisonné en 2017, il a recouvré la liberté en 2019, à la faveur d’une grâce présidentielle.
Un dialogue politique à l’initiative du président Sall a permis la participation à la présidentielle de 2024 de cet ancien ministre du président socialiste Abdou Diouf (1981-2000). Dans son programme transmis à l’AFP, il promet « un Sénégal inclusif et prospère dans une dynamique de développement durable ».
Il entend promouvoir un développement, dont « le socle » repose sur « l’investissement prioritaire » dans l’homme, « la gestion responsable de l’eau et la distribution équitable de la terre », dans un pays pauvre dont plus de la moitié de la population vit de l’agriculture.
« L’espoir des paysans, des pêcheurs et des pasteurs », lance un orateur en parlant de Khalifa Sall dans la foule massée dans un centre socio-culturel de Hann-Bel Air, point de départ d’une marche à travers les ruelles du quartier pour des « visites de proximité » et « du porte-à-porte ». Khalifa Sall fait le tour des échoppes, ateliers et maisons, discute avec riverains et militants.
« C’est l’homme qu’il faut pour construire le Sénégal. Il a bien travaillé quand il était maire de Dakar et à de l’expérience », affirme à l’AFP une femme de 40 ans qui se présente comme ménagère. « Il a donné du lait et des uniformes aux écoliers. Tout ça a disparu quand il a quitté la mairie », dit-elle.
Il a aussi ses opposants à Hann-Bel Air : le marchand ambulant, Papis Seck, 22 ans, affirme lui préférer l’opposant emprisonné Ousmane Sonko, « notre seul espoir ». L’électeur de Bassirou Diomaye Faye, proche de Sonko et candidat de substitution, également incarcéré.
Quant à Niakhana Ndao, restauratrice de 50 ans, elle aime « les nombreuses réalisations » du président Sall et votera pour le candidat qu’il a désigné, le Premier ministre Amadou Bâ.
La gendarmerie, à la présence discrète, n’est pas intervenue lundi à Hann-Bel Air, contrairement à Yoff, autre commune près de Dakar, où le cortège de Khalifa Sall a été dispersé mardi par des gendarmes à coup de grenades lacrymogènes, selon des images sur les réseaux sociaux.
AFP/Sahutiafrica