Rwanda : face à Paul Kagame, une opposition sans grande illusion

Le petit convoi file sur la route KK15, jalonnée de drapeaux rouge-blanc-bleu du Front patriotique rwandais et d’affiches appelant à voter Paul Kagame. Dans son 4×4 décoré de jaune et vert, Frank Habineza, part en meeting dans l’Est du Rwanda.

 

A quelques jours des élections présidentielle et législatives du 15 juillet, le président rwandais et son hégémonique parti du Front patriotique rwandais (FPR) sont partout. La victoire leur est promise.

 

Le chef du Parti démocratique vert (DGPR) Frank Habineza le sait, même s’il assure viser la victoire. Candidat il y a sept ans, il avait obtenu 0,48% des voix et l’indépendant Philippe Mpayimana, également en lice cette année, 0,73%. Le chef de l’Etat sortant en avait, lui, réuni 98,79%.

 

Paul Kagame est l’homme fort du Rwanda depuis qu’il a renversé en juillet 1994, avec la rébellion du FPR, le régime extrémiste hutu instigateur du génocide qui a fait 800.000 morts, selon l’ONU, essentiellement parmi la minorité tutsi.

 

Il jouit d’une forte popularité, notamment pour avoir relevé une économie exsangue après les massacres. Mais il est aussi accusé de museler l’opposition. Le DGPR est le seul des onze partis (hors FPR) homologués par le pouvoir à ne pas soutenir Paul Kagame.

 

Des figures anti-Kagame n’ont pas eu la possibilité de se présenter, en raison de condamnations passées (Victoire Ingabire) ou de dossier de candidature jugé non-conforme par la commission électorale (Diane Rwigara).

 

«Cimetière»

 

Sur la route de la province de l’Est, le passage des quatre 4×4 avec une sono crachant des chansons du DGPR attire l’attention. Les enfants se précipitent au bord des routes… en arborant visières et drapeaux du FPR, passé dans la région la veille.

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Dans le village de Juru, c’est jour de marché. Une petite centaine de personnes se masse près des chapiteaux aux couleurs jaune et verte du parti, attirée par la musique et les sketches d’un comédien de standup qui précèdent le discours de Frank Habineza.

 

La plupart sont venus en curieux. Leurs votes, disent-ils, sont acquis à Paul Kagame. Frank Habineza espère pouvoir en convaincre quelques-uns. « En 2017, les gens nous voyaient comme des ennemis du pays. On nous a envoyé faire campagne dans un cimetière, on nous jetait des pierres, on était tabassés », raconte-t-il à l’AFP.

 

Au-delà du résultat, il regarde le chemin parcouru depuis la création du parti en 2009, l’assassinat du vice-président de la formation en 2010, son exil en Suède, son retour en 2012, puis l’homologation l’année suivante du parti qui est entré au Parlement en 2018 (deux députés) : « L’espace qu’on a aujourd’hui, on s’est battu pour. Et on se bat pour le garder ».

 

Le candidat indépendant Philippe Mpayimana juge lui aussi que « c’est bien de voir que les gens n’ont plus peur d’écouter d’autres candidats ». Mais il est sans illusion. « On est face à un candidat qui est trop fort », lâche celui qui se présente comme un « opposant » souhaitant bâtir sur le « bilan positif » de Paul Kagame.

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La bataille est inégale face aux moyens et effectifs du FPR. M. Habineza a financé sa campagne avec des dons de particuliers et la vente d’une maison appartenant au parti. M. Mpayimana affirme, lui, avoir reçu des dons et économisé « deux-trois mois de salaire » pour payer sa campagne, « pas extravagante ».

 

«Ecran de fumée»

 

Pour la journaliste Michela Wrong, autrice du livre « Assassins sans frontières » dénonçant un système de persécution des opposants, ces candidatures « sont un écran de fumée ».

 

« Ca permet de présenter l’élection comme une compétition pluraliste, ce qui n’est pas le cas », ajoute-t-elle, jugeant qu’un « moment-clé » a été quand Victoire Ingabire, puis Diane Rwigara, ont été empêchées de se présenter.

 

Cette dernière a vu sa candidature rejetée par la commission électorale pour n’avoir pas fourni un extrait de casier judiciaire, ni de document prouvant sa nationalité rwandaise.

 

Elle assure à l’AFP qu’elle avait « tous les documents demandés ». « Mais il fallait trouver une raison pour que je ne puisse pas faire campagne (…) comme en 2017 », lorsqu’elle avait été écartée de la présidentielle, accusée de falsification de documents et emprisonnée. Elle avait été blanchie par la justice en 2018.

 

« C’est très difficile d’être dans l’opposition », explique-t-elle : « Il faut trouver un moyen d’être indépendant sans irriter le parti au pouvoir ». Elle dit n’attendre « pas grand-chose de cette élection » : « On connaît déjà le résultat ».

 

AFP/Sahutiafrica

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