Sommet USA-Afrique : «l’Afrique a besoin d’investissements…» (Koffi Kouakou)

Les enjeux et les attentes du sommet États-Unis-Afrique qui s’ouvre à Washington ce mardi 13 décembre. Chercheur à l’université de Witwatersrand de Johannesburg, Koffi Kouakou, spécialiste des questions africaines, répond aux questions de Sahutiafrica.

Sahutiafrica : Quel est l’enjeu principal de ce sommet ?

Koffi Kouakou : Les États-Unis sont, en ce moment, confrontés à un changement géopolitique très important et il y a beaucoup de compétitions. Surtout de la Chine, la Russie, la Turquie et d’autres pays émergents. Jusque-là, l’Afrique reste un continent très vierge, mais très convoitée avec beaucoup de ressources naturelles. Avec l’arrivée de beaucoup de compétiteurs, les USA sont obligés selon les réalités géopolitiques de se positionner vis-à-vis des pays africains. Les USA veulent aussi montrer leurs forces comme étant le pays le plus puissant jusqu’à présent qui va obliger les Africains à épouser sa cause de géant. Mais la compétition est très dure. Donc, le sommet de Washington est un instrument pour permettre aux États-Unis d’asseoir sa géopolitique.

S.A : Le temps est-il bien choisi dans ce contexte de montée de l’influence russe en Afrique ?

KK : Le temps est bien choisi dans ce contexte. Les Américains ont raté le timing au temps de Donald Trump, qui a complètement ignoré l’Afrique et de Barack Obama, malgré qu’il ait lancé pour la première fois ce sommet. Ce n’était qu’une chose produite à la hâte et n’avait pas produit de fruits. Et, donc sur la deuxième conférence, on est un peu surpris parce que les USA qui étaient bien partis pour travailler avec l’Afrique ne l’ont pas fait. Ils n’ont rien construit en Afrique. Maintenant que les Russe et les Chinois sont en train de travailler, ils se réveillent avec leur stratégie élaborée pour l’Afrique subsaharienne. Ils essaient un peu de colmater les brèches et ils vont utiliser ce sommet.

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Je crois que c’est un bon temps seulement que leur stratégie est un peu coercitive, c’est-à-dire qu’ils essaient de forcer les gens. Ils ne construisent pas. Ils n’investissent pas en Afrique comme les Chinois le font. Les Russes aussi sont en train de mettre beaucoup de paquets donc, c’est vraiment le temps de compétitions géopolitiques pas seulement pour la Russie, mais aussi pour la Chine. Il y a le Japon derrière et les pays Arabes qui commencent aussi à s’implanter en Afrique. Tous ces signaux inquiètent les Américains. Malheureusement, ils sont plus focalisés sur les questions de sécurité et défense pour créer la propagande, mais aussi pour effrayer les Africains. Cela n’est pas à leur avantage. S’ils sont sérieux dans le développement, le timing est bon. Il faut qu’ils investissent. Jusqu’à présent, ils n’ont pas montré cet agent. Ils ont du pain sur la planche.

S.A : Les USA mettent sur la table la question de soutenir l’admission de l’Union africaine au G20 en quoi cela est-elle bénéfique à l’Afrique ?

K.K : C’est bénéfique, mais en terme d’image. Essayer d’amener l’image de l’Afrique dans les sommets, c’est très importants. Le G20 reste quand même une réunion des puissances importantes mais quelle place pour Afrique ? Deux pays seulement ou ça va être comme l’UE qui assure assister aussi dans la marge du sommet de G20. Si tel est le cas, ce n’est pas aussi important pour l’Afrique. L’Afrique a besoin d’investissements et de développement d’infrastructures. Ce n’est pas seulement de s’asseoir sur la table. La seule chose que je vois bénéfique c’est peut-être la visibilité de l’image de l’Union africaine.

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S.A : Les USA sont-ils en mesure de limiter l’éclosion de l’influence russe en Afrique ?

K.K : Ça va être très difficile pour les États-Unis parce que les Russes sont très imposants. Ce n’est pas comme un petit pays qu’on peut chasser aussi facilement. En ce moment, ils font savoir leur présence dans à peu près une vingtaine voire dans plus des pays africains. Ils sont même visibles en Centrafrique, au Mali, au Burkina Faso, en Guinée… La seule façon pour les Américains de limiter l’éclosion de l’influence russe, c’est d’investir et de construire en Afrique. Il n’y a pas d’autre alternative.

Mais là, les Américains ne sont pas intéressés. Cela va leur créer un certain nombre de problèmes dans leur stratégie parce qu’en fait, leur stratégie renouvelée en Afrique, c’est de contrecarrer la Russie et les Russes. Ce n’est pas une bonne stratégie pour l’Afrique. Ça va être très difficile pour eux s’ils se penchent sur les questions militaires, de défense et de sécurité sans réfléchir sur la construction de l’Afrique et avoir une approche de développement très importante. Les Chinois sont relativement en avance dans ce registre. Les Russes pas encore, mais ils sont en train de faire quelque chose de bien de stabiliser les pays africains au niveau de la sécurité. C’est très important. On ne peut pas parler de développement sans sécurité et peut-être vice-versa. Les Américains doivent revoir leur stratégie de l’Afrique et vis-à-vis de leurs compétiteurs.

Propos recueillis par Joe Kashama

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