Pas une goutte aux robinets depuis une dizaine de jours : à Johannesburg, métropole de quelque 4,5 millions d’habitants, la grogne monte à moins de trois mois des élections générales en Afrique du Sud, plusieurs quartiers étant confrontés à des pénuries d’eau.
« Je n’ai pas pris de bain, de douche depuis onze jours », tempête Cecilia Walsh, sortant du coffre de sa voiture des bidons qu’elle va enfin pouvoir remplir auprès d’un camion-citerne envoyé par la ville.
Habillée à la va-vite et aux cheveux blancs en pétard, cette Sud-Africaine d’une cinquante années ambitionne à ce stade de se laver à l’économie dans un seau et abreuver son chien.
« C’est tout simplement une honte qu’on soit incapable de gérer nos infrastructures », lâche Andrew McPhail, un autre résident privé d’eau depuis une semaine.
L’Afrique du Sud est le pays le plus industrialisé du continent mais l’accès aux services de base comme l’eau, l’électricité et le ramassage des ordures est un motif récurrent de colère pour beaucoup de quelque 62 millions d’habitants.
Mardi, un appel à descendre dans la rue pour protester contre les coupures d’eau a été lancé à Johannesburg tandis qu’étudiants et fonctionnaires ont manifesté à Durban (est) contre les coupures de courant.
L’Afrique du Sud est en proie depuis des mois à une grave crise de l’électricité qui plombe l’économie avec des délestages pouvant durer jusqu’à douze heures par jour.
Après des années de corruption et de mauvaise gestion sous la présidence de Jacob Zuma (2009-2018), la compagnie publique Eskom est incapable de tirer suffisamment d’électricité de ses centrales vieillissantes.
Les coupures de courant se sont fréquentes espacées ces dernières semaines, comme promis par le président Cyril Ramaphosa en campagne. Mais c’est au tour des problèmes d’eau de venir nourrir un mécontentement grandissant dans le pays appelé à voter le 29 mai.
Infrastructures défaillantes
Quelque 27,5 millions d’électeurs doivent renouveler leur Parlement qui désigne le prochain président. Et selon les enquêtes d’opinion, le Congrès national africain (ANC) au pouvoir depuis la fin de l’apartheid risque de perdre sa majorité absolue pour la première fois.
Sa réputation entachée par les affaires de corruption et l’incapacité à relever un climat socio-économique morose marqué par un chômage endémique et une pauvreté croissante, le parti historique pourrait se voir contraint à l’ancien gouvernement de coalition.
La nouvelle crise de l’eau affecte plusieurs dizaines de milliers de personnes, selon plusieurs élus locaux de l’opposition, dans un coin majoritairement blanc du nord de Johannesburg regroupant une trentaine de quartiers résidentiels.
Dans ces maisons avec jardins, certaines puisent désormais l’eau de leur piscine pour une toilette sommaire et rincer les WC.
Les causes évoquées par les fournisseurs d’eau sont diverses : canalisations vétustes, pannes électriques affectant les pompes ou encore augmentation de la consommation liée à une vague de chaleur.
Dans le pays d’Afrique australe, le manque d’eau est aussi bien lié aux infrastructures défaillantes qu’à la question climatique qui affecte particulièrement avec notamment la ville du Cap (sud).
Elu local du premier parti d’opposition (Alliance démocratique, DA), Tim Truluck raconte à l’AFP que le remplacement des canalisations dans une banlieue de Johannesburg a récemment pris plus d’un an et a coûté l’équivalent de 4,9 millions d’euros : « Rénover tout le réseau prendrait des décennies. C’est un travail énorme et à ce jour insurmontable ».
Dans cette maison de retraite d’une banlieue de Johannesburg, les résidents sont lavés et soignés depuis neuf jours grâce à l’eau d’un puits ou des dons de voisins. La moyenne d’âge ici est de 84 ans et la plupart des pensionnaires sont grabataires.
« Les racines du problème sont multiples », dit à l’AFP la directrice Minda van Niekerk. « Mais de nombreuses questions restent sans réponse et il est difficile de donner une explication aux personnes âgées qui en existent réellement ».
AFP/Sahutiafrica