Face au rapport de la présidentielle, les Dakarois tout en colère contenue

Près de l’Assemblée nationale sénégalaise où se tient lundi un débat crucial sur un rapport de la présidentielle initialement prévu le 25 février, les forces de l’ordre ont reçu l’ordre de ne laisser approcher aucun manifestant.

 

Ils quadrillent la zone et dispersent tout début de rassemblement, traquant les protestataires jusque dans les ruelles alentour. « Si la proposition de loi passe aujourd’hui, (le président) Macky Sall ne va plus s’arrêter. On nous a retiré le droit de nous exprimer par les urnes et on nous empêche de manifester dans la rue. Ce n’est pas normal », s’indigne Mme Diouf d’une voix douce mais assurée.

 

Financière de formation, elle affirme manifester pour la première fois, pour réclamer le respect du calendrier et lutter contre l’injustice. Elle est persuadée que les Sénégalais ne laisseront pas la loi passer, que la mobilisation va grossir.

 

L’heure est plutôt à la déception lundi matin pour les quelques dizaines de manifestants qui ont répondu à l’appel de l’opposition à s’opposer à ce qu’ils appellent « un coup d’État institutionnel », et qui accusent le président Sall, au pouvoir depuis douze ans, de vouloir se maintenir coûte que coûte à la tête de l’Etat.

 

Comme la veille, la mobilisation est faible, avouent-ils. « Je suis très déçu, je m’attendais à ce qu’il y ait faute », déclare Mamadou Thioune.

 

Spectre sahélien

 

« Depuis ce matin, je ne sais pas où et avec qui parler. Les dirigeants politiques doivent montrer l’exemple et aller sur le terrain », dit-il.

Lire aussi :  Au Sénégal, les Casamançais rêvent d'un nouveau départ derrière Sonko et Diomaye

 

« Tout le monde fait comme si ce n’était pas son affaire, mais c’est l’affaire de tous, du pays tout entier. La mobilisation sur les réseaux sociaux n’est pas suivie sur le terrain », déplore-t- il. « Pourtant, ce qu’il se passe est très grave et injustifiable ».

 

La décision annoncée samedi par le président de reporter sine die la présidentielle quelques heures avant l’ouverture officielle de la campagne a créé une situation sans précédent et fait l’effet d’un coup de tonnerre.

 

« Autrefois, le Sénégal était un pays exemplaire sur le plan démocratique », estime M. Thioune. « A présent, ce qu’il s’est passé dans le Sahel », à savoir une succession de coups d’Etat au Mali, Burkina Faso et Niger et le début de périodes disent de transition avant un retour à l’ordre constitutionnel, « pourrait se passer ici ».

 

Pour Moussa Sene, un manifestant de 33 ans qui sillonne le centre de Dakar avec un petit groupe de jeunes, la responsabilité du rapport est imputable à la France, l’ancienne puissance coloniale. « Macky Sall n’aurait pas fait ça sans le soutien de la France. Quand il sera parti, on débarrassera l’Afrique de la France », lance-t-il d’une voix forte.

 

Dans un communiqué dimanche, Paris, en froid avec les nouveaux régimes militaires africains, a appelé le Sénégal à lever les « incertitudes » afin que les élections puissent se tenir « dans le meilleur délai possible ».

 

«Pas suicidaire»

 

Lundi matin, le centre de Dakar était moins animé qu’à l’accoutumée et l’odeur des gaz lacrymogènes piquait le nez et les yeux. Certaines boutiques près du Parlement avaient fermé leurs grilles.

Lire aussi :  Football : le Bayern Munich, nouvelle aventure pour le Sénégalais Sadio Mané

 

De nombreux travailleurs avaient reçu pour consigne de travailler chez eux par crainte d’une nouvelle éruption de violence après les troubles meurtriers de mars 2021 et juin 2023, liés à l’arrestation puis à la condamnation de l’une des principales figures de l’opposition, Ousmane Sonko, aujourd’hui incarcéré.

 

« Comme tous les Sénégalais, je ne suis pas d’accord avec la décision de reporter les élections et je suis triste pour mon pays, mais je ne veux pas non plus de la casse comme il y en a eu ces dernières années », dit Mamadou, un jeune agent de sécurité de 27 ans, sous couvert d’anonymat.

 

Les troubles des années précédentes ont sérieusement affecté l’activité économique dans un pays où vivent beaucoup au jour le jour. Amath Ndiaye, un banquier, s’indigne de la situation, « une calamité qui rend triste tout le monde ». « Macky Sall cherche à se maintenir au pouvoir sous un prétexte fallacieux », se lamente-t-il.

 

S’il pense s’engager plus activement, il n’ira pas manifester. « Si je dépasse l’Assemblée, je vais me faire arrêter tout de suite. Je ne suis pas suicidaire », dit-il. Selon des groupes de la société civile et des partis d’opposition, près de mille membres et militants de l’opposition ont été arrêtés dans tout le pays depuis mars 2021.

 

AFP/Sahutiafrica

Les plus lus

En RDC, l’IFC veut accompagner les initiatives du secteur de l’énergie  

La Société financière internationale (IFC), membre du Groupe de la Banque mondiale, affiche son intention d’accompagner le développement du secteur de l’énergie à travers...

RDC : indignation de la presse sportive après l’agression d’un journaliste

L’agression, à la veille de l’affiche RDC-Tanzanie, du journaliste Gede Luiz Kupa par l'agent commis à la sécurité de l'équipe nationale, suscite l’indignation des...

En RDC, débat autour d’une éventuelle révision de la Constitution

Faut-il réviser la Constitution ? Si l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti présidentiel, pousse pour l'obtenir cette révision, l’opposition s’y...

Ouganda : interdiction de la pratique du «disco matanga» pendant les enterrements

En Ouganda, le gouvernement interdit la pratique du « disco matanga », pendant les enterrements, arguant que ces danses diaboliques dégénèrent notamment, en violences...

RDC/Election de gouverneurs : «Kinshasa Mégalopole moderne», projet du candidat Dan Kuba

Candidat à l’élection de gouverneurs pour Kinshasa, Dan Kuba, docteur en management de qualité et consultant senior en stratégie, a dévoilé son projet dénommé...

Sur le même thème

En RDC, débat autour d’une éventuelle révision de la Constitution

Faut-il réviser la Constitution ? Si l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti présidentiel, pousse pour l'obtenir cette révision, l’opposition s’y...

Niger : neuf responsables du régime de Mohamed Bazoum «provisoirement déchus de leur nationalité»

Au Niger, les autorités ont décidé de déchoir « provisoirement » la nationalité de neuf responsables sous le régime de Mohamed Bazoum sur fond...

Cameroun : le gouvernement interdit tout débat sur la santé de Paul Biya

Alors que l’inquiétude continue de planer, le gouvernement interdit aux médias de parler de l’état de santé du président Paul Biya au Cameroun.   « Le chef...

Côte d’Ivoire : le parti de Laurent Ggagbo dénonce l’arrestation de Charles Rodel Dosso

Le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), parti de l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo, a dénoncé l’arrestation de Charles Rodel Dosso, ancien ministre...

Le Burkina suspend la diffusion de la VOA pour trois mois

Au Burkina Faso, la diffusion de la radio américaine Voice of America (VOA) a été suspendue pour une durée de trois mois.   L’autorité de régulation...