Profusion de pet ! Vacarme assourdissant ! Brouhaha endémique ! Un vent qui batifole sans extase. Un soleil fleuve qui prie en langues. Puis soudain le fracas du silence. Dans le sein du silence : une voix. Non. Deux voix. Non. Des voix. Alors taisons-nous. Lisons :
-Le Chef a dit « oui à la peine de mort » … et …
-Non ! Ce n’est pas ce que le Chef a dit. Quand le Chef parlait, j’étais là. J’étais bien là. Pour avoir été là physiquement, spirituellement et surtout psychologiquement, je sais que le Chef a dit « oui à la peine capitale »…
-Hum … Sombr’idiot ! On risquerait de croire que tu as raison. Qu’ … est-ce que peine là peut avoir à faire avec capital ? Espèce de savon blanc. Pardon ! Savant blanc !
-Toi-là, même qui parle pour parler seulement, attention ein ! Méfies-toi ! D’abord même tu parles de quel capital ? Capital pour débuter commerce ou capitale d’un pays ? Parce que moi j’étais là, ce soir-là, pour ne pas dire ce jour-là quand en pleine réunion, le Chef ne dormait guère comme ont l’habitude de le faire tous nos élus au parlement que nous payons grassement de notre poche en plus pour leur sommeil dans deux chambres – chambre haute et chambre basse – , oui ce jour-là, si pas ce soir-là, le Chef avait dit « oui à la peine de mort »… et toi … misérable vers de terre tu …
-Et moi … quoi ? Moi aussi j’étais là à cette réunion dont tu parles. Ce ne sont pas les murs qui ont entendu si pas écouté à ma place. Ce ne sont même pas les portes qui ont des bouches qui sont venus me raconter cela, j’étais là. Oui j’étais là lors de cette réunion même si c’est vrai j’avais un peu dormi.
J’ai dormi un peu seulement. Pas comme dorment nos députés et sénateurs qui viennent ensuite nous faire des lois qui nous aident à dormir débout. Moi j’avais dormi un peu seulement. Et pile au moment de mon réveil, j’ai entendu de la bouche du Chef lui-même « oui à la peine capitale » et toi tu es là pour…
-Pour quoi ? Ou pour qui ? Le terme consacré c’est peine de mort. Voudrais-tu insinuer que le Chef aurait commis une erreur ? Tout ce que le Chef fait est bon. Tout ce que le Chef dit est bon. Et il n’a jamais dit « oui à la peine capitale ».
Il a dit devant tout le monde, et même les esprits l’ont écouté le dire, parce que la peine de mort va embrasser tout le monde, qu’on soit vivant ou mort, parce qu’on ne doit pas blaguer avec l’Etat. La justice est malade comme l’a dit le Chef un jour. C’est pour cela que le Chef veut soigner la justice. Quoi de mieux qu’un choc ! Aux grands mots parce que c’est impoli les gros mots aussi, les grands remèdes !
D’où pour soigner le mal congolais quoi de mieux que la peine de mort pour un retour à la conscience collective ! Parce que la peine de mort ne connaît personne. Sauf le Chef lui-même. La seule exception pour confirmer la règle. Ainsi aussi ceux qui rendent justice se sentiront aussi concernés par la sentence de mort et ils feront enfin leur travail…
Pendant ce temps-là mordillait par l’impatience, le barman jette dans la rue les ivrognes qui était là depuis 17h. Dans la montre, il fait 2 h du matin…
Christian Gombo, Ecrivain