En Centrafrique, la tension monte, alors que la Cour constitutionnelle examine le recours du Bloc républicain pour la défense de la constitution, coalition d’opposition, contre la mise en place du comité de rédaction de la nouvelle Constitution.
A Bangui, cette question divise. Et attise la tension. Jeudi et vendredi dernier, des centaines de manifestants, portant des pancartes ouvertement hostiles, se sont rassemblés devant le siège de la Cour constitutionnelle. Sans être inquiétés par les forces de l’ordre, souffle une source locale à Sahutiafrica. Ces manifestants exigent le départ de Danièle Darlan, présidente de cette institution, qui a rejeté il y a quelques jours certaines modalités du projet de crypto-monnaie « Sangocoin ».
« La Cour constitutionnelle est en train de subir une pression sans pareille », confie un observateur de la vie politique en Centrafrique. Le bloc républicain dénonce des « attaques » voire des « menaces » d’organisations radicales contre cette juridiction. Pour cette coalition d’opposition, ces structures du camp présidentiel veulent contraindre la haute cour à « valider le processus de changement de la Constitution en cours ».
Pression sur les juges ?
« Finalement le mythe de Sisyphe n’en est pas un pour la RCA. Revenir à la présidence à vie : voilà le projet que le pouvoir fait avancer à coup de manifestations et de menaces publiques. Un saut en arrière de 50 ans de notre démocratie », déplore l’opposant Martin Ziguele dans un tweet. L’opposition voit en cette démarche une manière pour le président Touadéra, arrivé à son second, de s’éterniser au pouvoir.
«…Le peuple a réclamé cette nouvelle Constitution»
Alain De-Komah, proche du président Touadéra, affirme pourtant « qu’il est important que la Constitution puisse donner à la Centrafrique sa souveraineté », même s’il condamne les manifestations organisées devant la Cour constitutionnelle. « C’est le peuple qui a réclamé cette nouvelle Constitution. Ce n’est pas le président de la République », dit-il à Sahutiafrica.
« C’est eux (Bloc républicain) qui ont taillé sur mesure cette constitution de 2016. Aujourd’hui, ils ne vont pas nous faire croire que cette Constitution n’est pas taillée sur mesure et peut-être la volonté du peuple centrafricain. C’est faux et archi-faux », lâche M. De-Komah.
Mercredi 14 septembre, le président Faustin Archange Touadéra a installé le comité chargé de rédiger la nouvelle Constitution controversée. Il s’agit d’un comité de rédaction composé d’une cinquantaine de personnalités, mais l’église catholique et l’opposition refusent d’y participer.
La Constitution du 30 mars 2016 a fixé des limites
« La Constitution du 30 mars 2016 ne confère ni au président de la République ni à une autre institution le pouvoir de se dresser devant la souveraineté populaire, de limiter ou d’empêcher l’exercice de cette souveraineté. J’ai noté que la majorité de nos compatriotes estime que notre corpus juridique ne doit pas être immuable, il doit s’adapter », a déclaré le président centrafricain lors de cette cérémonie.
Jean-Ferdinand Koena, analyste politique centrafricain, rappelle que « la Constitution du 30 mars a laissé la porte ouverte à sa modification, mais il y a un certain nombre de points qu’on ne peut pas toucher : le caractère laïque de l’Etat, le nombre de la durée de mandats et l’unicité de la RCA », indique-t-il.
L’opposition, prévoit organiser d’autres manifestations si elle ne trouve pas gain de cause à la Cour constitutionnelle. Mais les huit juges de cette institution, sous pression, vont-ils pouvoir rendre leur décision en toute sérénité ?
Trésor Mutombo