Quand les propositions d’Emmanuel Macron agacent le Sénégal et le Tchad

Lundi 6 janvier, le Tchad a déploré « l’attitude méprisante » du président français Emmanuel Macron qui a estimé que les dirigeants africains avaient « oublié de dire merci » à la France dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, des propositions également condamnées par le Sénégal.

 

Abderaman Koulamallah, ministre tchadien des Affaires étrangères, a exprimé sa « vive préoccupation suite aux propositions tenues par le président français Emmanuel Macron, qui a émis une attitude méprisante à l’égard de l’Afrique et des Africains ».

 

Le Tchad a rompu fin novembre aux accords militaires qui le liaient à l’ancienne puissance coloniale. M. Koulamallah rappelle « qu’il n’a aucun problème avec la France » mais également que « les dirigeants français doivent apprendre à respecter le peuple africain ».

 

Le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a quant à lui contesté lundi que le retrait annoncé des soldats français de son pays aurait donné lieu à des négociations entre Paris et Dakar et s’est inscrit en faux avec virulence contre des propositions du président Emmanuel Macron sur l ‘engagement militaire français en Afrique.

 

M. Sonko a qualifié sur les réseaux sociaux de « totalement erronée » l’affirmation selon laquelle le départ annoncé de centaines de soldats français ferait suite à une proposition de la France qui aurait laissé aux pays concernés par une réorganisation de la présence militaire française la primeur d’annoncer de tels retraits.

 

La France a eu « raison » d’intervenir militairement au Sahel « contre le terrorisme depuis 2013 », mais les dirigeants africains ont « oublié de nous dire merci », avait déclaré lundi le président Macron, estimant « qu’aucun d’entre eux » ne gérerait un pays souverain sans cette intervention.

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« Ce n’est pas grave, ça viendra avec le temps », a ironisé le président français, qui s’exprimait lors de la réunion annuelle des ambassadeurs de France. Dans son communiqué, Abderaman Koulamallah souligne notamment le « rôle déterminant » de l’Afrique et du Tchad dans la libération de la France lors des deux guerres mondiales que « la France n’a jamais véritablement reconnu » ainsi que « les sacrifices consentis par les soldats africains ».

 

« En 60 ans de présence (…) la contribution française a souvent été limitée à des intérêts stratégiques propres, sans véritable impact durable pour le développement du peuple tchadien », a-t-il clairement exprimé.

 

«Véritable indépendance»

 

« Le peuple tchadien aspire à une souveraineté pleine et entière, à une véritable indépendance, et à la construction d’un État fort et autonome », a ajouté M. Koulamallah.

 

Le Tchad avait annoncé par surprise le 28 novembre qu’il mettait fin à l’accord militaire entre Paris et N’Djamena, actant la fin de soixante ans de coopération militaire depuis la fin de la colonisation française.

 

Les opérations de retraits de l’armée française ont débuté en décembre. Le Tchad constituait le dernier point d’ancrage de la France au Sahel, avec environ un millier de soldats stationnés, principalement au camp Kossei dans la capitale tchadienne N’Djamena.

 

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Des troupes et des avions de combat français ont été stationnés au Tchad quasiment sans discontinuer depuis l’indépendance en 1960, servant à la formation et à l’entraînement des militaires tchadiens. L’ex-puissance coloniale a compté jusqu’à plus de 5.000 militaires au Sahel dans le cadre de l’opération antidjihadiste Barkhane, stoppée fin novembre 2022.

 

Entre 2022 et 2023, quatre anciennes colonies françaises, le Niger, le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ont enjoint Paris à retirer son armée de leurs territoires, où elle était historiquement retenue et se sont rapprochées de Moscou.

 

Le mois dernier, à quelques heures d’intervalle, le Sénégal et le Tchad ont à leur tournée annoncé le départ des militaires français de leur sol et officialisé une « réorganisation ».

 

En janvier, la Côte d’Ivoire a également annoncé que la base militaire française de Port-Bouet près d’Abidjan serait rétrocédée au pays. Selon le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 2021, ces accords étaient « complètement obsolètes », face « aux réalités politiques et géostratégiques de notre temps ».

 

En mai dernier se sont achevées à N’Djamena trois années de transition, avec l’élection de Mahamat Idriss Déby, porté au pouvoir par une junte militaire après la mort de son père Idriss Déby, tué par des rebelles au front en 2021. Menacé par des offensives rebelles, Déby père avait pu compter sur l’appui de l’armée française pour repousser celles-ci en 2008 puis en 2019.

 

AFP/Sahutiafrica

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