Sénégal : le président cherche l’apaisement, la société civile la mobilisation

Le président sénégalais Macky Sall a ordonné à son gouvernement de prendre des mesures « d’apaisement » face au tollé causé par le report de la présidentielle, tandis que l’opposition et la société civile continuent d’essayer d’organiser la riposte.

 

Le président sénégalais fait face au même moment aux pressions internationales. La Communauté des Etats ouest-africains (Cedeao) réunit au Nigeria les ministres des Affaires étrangères des Etats membres, et le Sénégal, réputé comme un des bons élèves de l’organisation, risque pour la première fois depuis longtemps de figurer au menu de crise au côté des Etats sécessionnistes, Burkina Faso, Mali, Niger.

 

La Cedeao a demandé mardi au Sénégal de rétablir « de toute urgence » le calendrier de la présidentielle, initialement prévue le 25 février et repoussée à la dernière minute au 15 décembre, malgré la bronca de l’opposition et d’une grande partie de l’opinion.

 

L’Union européenne, s’alignant sur la Cedeao, a à son tour appelé à revenir au 25 février. Un autre allié, les Etats-Unis, a jugé illégitime le vote ajournant l’élection. Ces partenaires du Sénégal ont exprimé leur inquiétude devant le risque de troubles, mais aussi devant le coup porté à la pratique démocratique dont le Sénégal est volontiers cité comme un exemple dans une région où se succèdent les putschs et les faits accomplis.

 

Les autorités sénégalaises n’ont pas donné de signe d’être prêtes à reconsidérer le report. « Nous entendons bien ce message », a dit mercredi soir depuis le Nigeria le ministre des Affaires étrangères Ismaïla Madior Fall à la télévision française France 24, « mais nous privilégions aujourd’hui la logique politique interne ».

Lire aussi :  Niger : le Sénégal enverra ses soldats si la Cédéao décide d'une intervention (ministre)

 

Le président Sall a décrété samedi le report de la présidentielle, trois semaines avant l’échéance, en pleine bagarre politique sur les candidatures retenues ou écartées pour le scrutin.

 

L’Assemblée nationale a approuvé lundi un ajournement au 15 décembre, avec les voix du camp présidentiel et des partisans d’un candidat recalé et sous la protection des gendarmes.

 

Elle a aussi voté le maintien de M. Sall au pouvoir jusqu’à la prise de fonctions de son successeur, vraisemblablement début 2025. Le deuxième mandat de M. Sall expirait officiellement le 2 avril. Après avoir entretenu le doute pendant des mois, il a répété à différentes reprises l’engagement pris en 2023 de ne pas se représenter.

 

Ce report, qui pourrait ramener le Sénégal au point de départ d’un processus électoral périlleux et dont la constitutionnalité est vivement mise en doute, a causé un choc et un tollé. L’opposition crie au « coup d’Etat constitutionnel ». Elle soupçonne une manigance pour éviter la défaite du candidat du camp présidentiel, voire pour maintenir M. Sall à la tête du pays encore plusieurs années.

 

Question de confiance

 

Des tentatives de manifestations ont été réprimées et des dizaines de personnes interpellées. Plusieurs candidats ont fait part de leur intention de continuer à faire campagne et ont appelé à un front commun des acteurs politiques et sociaux.

Lire aussi :  Sénégal : au moins deux morts dans une manifestation contre les emplois miniers

 

Malgré une indignation largement répandue et des informations éparses sur des appels à la grève, des sit-ins, ou trois journées ville morte à partir de ce jeudi, la contestation cherche toujours à s’organiser.

 

Un collectif revendiquant une quarantaine d’organisations de la société civile dont plusieurs syndicats prévoit une journée ville morte vendredi à Dakar où la vie, ralentie par la crainte en début de semaine, suivait son cours habituel jeudi.

 

Face à l’une des plus graves crises politiques des dernières décennies, le président Sall a dit mercredi en conseil des ministres sa volonté d’engager un processus « d’apaisement et de réconciliation », rapporte un communiqué de ses services.

 

Il a « demandé au gouvernement, notamment (à la) ministre de la Justice de prendre les dispositions nécessaires pour matérialiser sa volonté de pacifier l’espace public », ajoute le communiqué sans autre précision.

 

Le président Sall a réaffirmé « sa décision de ne pas prendre part à l’élection » et a « renouvelé sa confiance au Premier ministre Amadou Ba ». De vives interrogations entourent ce dernier, désigné candidat du camp présidentiel par M. Sall lui-même. M. Ba est vivement contesté dans son propre camp. Il a gardé le silence publiquement sur la crise en cours.

 

Le communiqué de la présidence dit qu’il a « réitéré sa loyauté au président » et exprimé son soutien au report de l’élection.

 

AFP/Sahutiafrica

Les plus lus

En RDC, l’IFC veut accompagner les initiatives du secteur de l’énergie  

La Société financière internationale (IFC), membre du Groupe de la Banque mondiale, affiche son intention d’accompagner le développement du secteur de l’énergie à travers...

RDC : indignation de la presse sportive après l’agression d’un journaliste

L’agression, à la veille de l’affiche RDC-Tanzanie, du journaliste Gede Luiz Kupa par l'agent commis à la sécurité de l'équipe nationale, suscite l’indignation des...

En RDC, débat autour d’une éventuelle révision de la Constitution

Faut-il réviser la Constitution ? Si l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti présidentiel, pousse pour l'obtenir cette révision, l’opposition s’y...

Ouganda : interdiction de la pratique du «disco matanga» pendant les enterrements

En Ouganda, le gouvernement interdit la pratique du « disco matanga », pendant les enterrements, arguant que ces danses diaboliques dégénèrent notamment, en violences...

RDC/Election de gouverneurs : «Kinshasa Mégalopole moderne», projet du candidat Dan Kuba

Candidat à l’élection de gouverneurs pour Kinshasa, Dan Kuba, docteur en management de qualité et consultant senior en stratégie, a dévoilé son projet dénommé...

Sur le même thème

Guinée : Mamadu Doumbouya interdit à ses ministres de voyager à l’étranger

En Guinée, le général Mamadi Doumbouya, chef de la junte en Guinée, a ordonné le retour sans délai au pays de ses ministres en...

En RDC, débat autour d’une éventuelle révision de la Constitution

Faut-il réviser la Constitution ? Si l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti présidentiel, pousse pour l'obtenir cette révision, l’opposition s’y...

Niger : neuf responsables du régime de Mohamed Bazoum «provisoirement déchus de leur nationalité»

Au Niger, les autorités ont décidé de déchoir « provisoirement » la nationalité de neuf responsables sous le régime de Mohamed Bazoum sur fond...

Cameroun : le gouvernement interdit tout débat sur la santé de Paul Biya

Alors que l’inquiétude continue de planer, le gouvernement interdit aux médias de parler de l’état de santé du président Paul Biya au Cameroun.   « Le chef...

Côte d’Ivoire : le parti de Laurent Ggagbo dénonce l’arrestation de Charles Rodel Dosso

Le Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), parti de l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo, a dénoncé l’arrestation de Charles Rodel Dosso, ancien ministre...