Saleh Kebzabo, vice-président du Comité d’organisation du dialogue national au Tchad, appelle les groupes armés non signataires de l’accord de paix à apposer leurs signatures pour venir au dialogue inclusif à N’Djamena. Il s’est confié à Sahutiafrica.
Après cinq mois de discussions à Doha au Qatar, une quarantaine de groupes armés ont signé un accord de paix avec les autorités. Mais plusieurs autres mouvements rebelles, dont le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (Fact), un des principaux groupes armés, ont refusé de signer cet accord, dénonçant la non-prise en charge de leurs revendications. Promis par le général Mahamat Idriss Déby, qui a pris le pouvoir à la mort du président Idriss Déby, son père, le dialogue national est censé déboucher sur la tenue des élections libres, transparentes et crédibles. « Pour des raisons relevant de leur considération tout à fait personnelle ou pour leur égo et autres, que tous ceux qui n’ont pas signé cet accord qu’ils le fassent », exhorte Saleh Kebzabo, 73 ans. Entretien.
Sahutiafrica : Que ressentez-vous après la signature de cet accord de paix à Doha au Qatar ?
Saleh Kebzabo : Je ressens de la fierté avec beaucoup d’émotions parce que c’est un acte majeur qui a été posé. Je peux dire depuis l’indépendance proclamée en 1960, je ne sais pas s’il y a eu un acte aussi important que celui-ci. Ce que nous venons de faire va peser sur l’avenir du pays en terme de paix et de sécurité. J’espère que dorénavant, les mots rébellion et politico-militaire vont être rayés du dictionnaire politique tchadien.
SA : le Fact et plusieurs autres groupes armés ont refusé de signer cet accord de paix. Qu’en dites-vous ?
SK : Il n’y aura jamais d’accord parfait autour duquel tout le monde va s’agglutiner pour faire quelque chose de commun quand bien même qu’il était nécessaire que cela se fît. Je ne veux pas vraiment être dans la profondeur de la discussion que je réserve pour d’autres débats. Ceux qui n’ont pas apposé leur signature ont tort parce que maintenant, le débat est ailleurs. Il se transforme au niveau du dialogue. Ceux qui n’ont pas signé cet acte ont commis une faute politique. Il n’y a que le Fact, dont on parle. D’autres sont des greffons du Fact. Le Fact, parce que c’est le mouvement le plus armé. Parce qu’il a ouvert justement après la mort du président Deby cette voie que nous sommes en train de tracer et de continuer. Il devait en tant que Fact venir la tracer avec nous. Mais je ne perds pas espoir parce que je sais que le Fact, lui-même, reviendra à la raison non pas pour reconnaître qu’il a commis une erreur, mais pour prendre le train en marche à la maison tchadienne.
Je peux vous garantir qu’il n’y a pas, aujourd’hui, ceux qui espèrent encore en une rébellion. Les Tchadiens sont vraiment fatigués de guerre et des rébellions. Ils veulent qu’on tourne cette page pour aller de l’avant. On va aller à un dialogue qui ne peut être pas parfait. C’est certain d’ailleurs. Mais au moins, il aura l’avantage d’exister.
SA : Les groupes armés non signataires de l’accord dénoncent la non-prise en charge de leurs revendications. Mais ils disent rester ouverts à des discussions. Y-aura-t-il d’autres discussions pour qu’ils viennent participer au dialogue à N’Djamena ?
SK : Tout accord reste toujours ouvert. Les discussions continuent. Actuellement à Doha, moi-même, j’en ai rencontré. Donc, je crois que les portes ne sont pas fermées. Mon espoir est que nous signons tous cet accord pour que la paix revienne dans notre pays. Les gens nous regardent. Les Tchadiens aussi. Pour de raisons relevant de considérations tout à fait personnelles ou pour leur égo et autres, que tous ceux qui n’ont pas signé cet accord qu’ils le fassent. C’est l’acte historique qu’on attend de chaque Tchadienne et Tchadien.
SA : Qu’attendre de ce dialogue national inclusif ?
SK : Ce qu’on attend du dialogue national de façon global, c’est la refondation de notre pays. Et lorsqu’on parle de la refondation, on touche à tous les domaines institutionnels et autres pour sortir le Tchad du gouffre dans lequel il se trouve aujourd’hui. Donc, en particulier, une nouvelle Constitution. Toutes les lois relatives au processus électoral politique vont être revues. Toutes les formes d’ordre administratives vont être revues. Ça fait plus de 15 ans que moi, l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR), mon parti politique, et certains opposants au président Déby, décédé, nous nous battons pour le dialogue. Nous savons ce que c’est le dialogue. Ce n’est pas aujourd’hui que nous allons faire autre chose que le dialogue. Que les gens prennent leur responsabilité et leur courage pour qu’ils viennent à ces assises. Je dis que le dialogue n’est pas un endroit où on viendra aboyer ou raconter des histoires avec des slogans. C’est un endroit où on va réfléchir.
Propos recueillis par Trésor Mutombo