Le 9ème Sommet Chine-Afrique, qui vient de se clôturer à Pékin, s’inscrit dans la continuité des rencontres bilatérales visant à renforcer les liens entre le continent africain et la deuxième puissance économique mondiale.
Au-delà des discours de coopération mutuelle et des annonces de financement d’infrastructures, ce sommet soulève des enjeux géopolitiques majeurs, qui s’accompagnent de retombées aussi bien positives que négatives pour l’Afrique.
En outre, la posture géopolitique des pays africains dans ce genre de sommet mérite une analyse critique, notamment sur leur capacité à défendre des intérêts communs face aux grandes puissances mondiales.
Retombées Positives du Sommet pour l’Afrique
1. Investissements massifs en infrastructures
La Chine a consolidé sa position de principal partenaire économique de l’Afrique en promettant de nouveaux financements pour des projets d’infrastructure tels que les routes, les chemins de fer, les ports et les zones industrielles. Ce soutien financier permet à plusieurs États africains de moderniser des secteurs essentiels à leur développement, de faciliter l’intégration régionale et de renforcer leurs capacités de commerce intra-continental. Le Sommet a également vu la signature de plusieurs accords commerciaux, renforçant ainsi l’interdépendance économique entre l’Afrique et la Chine.
2. Accès à des technologies et à l’industrialisation
Un autre aspect positif est le transfert de technologie, notamment dans les domaines des télécommunications, des énergies renouvelables, et de l’industrialisation. La Chine, en tant que leader dans la production de biens manufacturés, contribue à l’émergence d’un secteur industriel africain plus compétitif. De plus, le partenariat sur l’intelligence artificielle, les technologies 5G et les smart cities pourrait accélérer la transformation numérique de l’Afrique, favorisant ainsi la modernisation des services publics et la création de nouvelles opportunités économiques.
3. Développement des capacités humaines
Les engagements chinois dans la formation de talents africains et les échanges culturels et éducatifs sont aussi des aspects positifs. Pékin offre des bourses et programmes de formation pour renforcer les compétences dans des secteurs stratégiques, ce qui pourrait améliorer la gouvernance et les capacités de gestion des infrastructures financées par les Chinois.
Retombées Négatives et Limites du Partenariat
1. Risques d’endettement croissant
Le financement massif de projets d’infrastructure par la Chine soulève de sérieuses inquiétudes quant à la soutenabilité de la dette pour de nombreux pays africains. Plusieurs d’entre eux risquent de se retrouver dans une spirale d’endettement. Cette dépendance financière pourrait éroder leur souveraineté et les rendre vulnérables aux influences politiques chinoises. Des précédents récents, comme le Sri Lanka cédant le port de Hambantota à la Chine en raison de son incapacité à rembourser sa dette, montrent les dangers d’une telle dépendance.
2. Faible valeur ajoutée locale
Bien que la Chine investisse massivement en Afrique, une critique récurrente est que la plupart des projets profitent avant tout aux entreprises chinoises qui contrôlent les contrats de construction et d’approvisionnement. Le recours à une main-d’œuvre et des matériaux chinois dans la majorité des projets limite la création d’emplois locaux et la valeur ajoutée pour les économies africaines. Cela renforce la perception que les pays africains sont davantage des terrains de jeux pour les grandes puissances que des partenaires égaux dans ces relations économiques.
3. Effets écologiques et sociaux
Les projets d’infrastructure financés par la Chine sont souvent critiqués pour leur impact environnemental négatif. Les investissements dans l’exploitation minière, le bois, et les projets de construction de grande envergure risquent d’aggraver la déforestation, l’épuisement des ressources naturelles et les déplacements de populations. Ces risques sont d’autant plus importants que la dimension écologique est rarement une priorité dans ces accords bilatéraux.
Lecture Géopolitique : Entre Grandes Puissances et Intérêts Africains
1. Rivalité entre grandes puissances
L’implication de la Chine en Afrique s’inscrit dans une compétition géopolitique avec d’autres grandes puissances, notamment les États-Unis et l’Europe. Ces dernières voient l’Afrique comme une région clé pour des raisons économiques, stratégiques et sécuritaires. Le sommet sino-africain ne se déroule donc pas en vase clos ; il fait partie d’une lutte plus large pour l’influence sur le continent. L’Afrique, qui a longtemps été un théâtre de compétition entre puissances coloniales, risque aujourd’hui d’être prise dans un nouveau jeu d’influences où la quête de ressources, de marchés et de partenariats stratégiques continue de s’intensifier.
2. Positionnement africain : la faiblesse de la fragmentation
L’un des plus grands défis pour l’Afrique dans ce contexte est l’incapacité des pays du continent à se présenter comme un bloc uni face aux grandes puissances. Contrairement à l’Union européenne ou à l’ASEAN, qui négocient souvent en tant qu’entités collectives, les pays africains manquent d’une stratégie commune. Chaque État cherche à maximiser ses gains individuels sans concertation préalable, ce qui affaiblit leur pouvoir de négociation. Les disparités de développement entre les pays africains et leurs priorités nationales divergentes compliquent l’élaboration d’une position collective, ce qui entraîne une fragmentation nuisible à leurs intérêts communs.
Vers une Stratégie d’Intégration Africaine
1. Un besoin d’unité et d’intégration régionale
Pour tirer pleinement parti de ce genre de rencontre internationale, l’Afrique doit avant tout miser sur l’unité et une meilleure intégration régionale. L’Agenda 2063 de l’Union africaine, qui prône l’intégration économique et politique du continent, est un cadre ambitieux qui pourrait aider à relever ces défis. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) offre aussi une opportunité unique pour favoriser le commerce intra-africain, réduire la dépendance vis-à-vis des partenaires extérieurs, et renforcer le développement industriel endogène.
2. Définir des priorités communes
Les pays africains devraient également s’accorder sur des priorités communes avant de participer à des forums avec des partenaires extérieurs comme la Chine. Cela inclut des préoccupations en matière de souveraineté économique, de développement durable et d’équité dans les échanges commerciaux. Le renforcement des institutions régionales, comme l’Union africaine et les Communautés économiques régionales, est crucial pour favoriser cette harmonisation des positions et éviter que les intérêts individuels ne nuisent à l’intérêt collectif.
Conclusion
Le 9ème Sommet Chine-Afrique reflète à la fois les opportunités et les défis auxquels l’Afrique est confrontée dans un monde multipolaire. Si les retombées positives en termes d’infrastructures et de transferts technologiques sont indéniables, les risques d’endettement, la dépendance économique et la fragmentation politique demeurent des obstacles majeurs.
L’avenir des relations sino-africaines dépendra de la capacité des pays africains à renforcer leur unité, à négocier des accords plus équilibrés et à élaborer des stratégies communes pour maximiser les retombées positives tout en minimisant les risques associés à ce type de partenariats globaux.
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