Début d’après-midi du jeudi 7 juillet à Ouagadougou. Blaise Compoaré, ancien président, rentre au pays. Retour assez discret. Chassé au pouvoir par une révolution populaire, quel rôle peut jouer l’ancien chef de l’Etat ?
Compaoré sera reçu ce vendredi au palais de Kosyam par le lieutenant-colonel Damiba, président de la transition. Il sera accompagné d’autres anciens chefs de l’État burkinabè. Cette rencontre s’inscrit dans le cadre la réconciliation nationale, indique le gouvernement.
La réconciliation nationale, pourquoi faire ?
Depuis le départ de Blaise Compaoré du pouvoir, le Burkina Faso connait une crise sécuritaire récurrente et des attaques djihadistes cycliques. Pour certains analystes, le retour de Blaise Compaoré pourrait stabiliser le pays.
« Le retour de Blaise Compaoré peut apporter la cohésion sociale et l’unité nationale, dont le pays souffre, d’abord sur le plan sécuritaire ainsi que dans d’autres domaines », explique Siaka Coulibaly, analyste politique burkinabè, à Sahutiafrica.
Selon lui, la tentative du gouvernement se fonde sur un diagnostic bien connu et partagé par les Burkinabè. « Le contexte social n’est pas serein. Cela influence donc l’économie nationale et affecte les interactions entre les citoyens. Il y a aussi plusieurs domaines qui ont besoin d’être consolidés par la réconciliation nationale », indique l’analyste.
Retour controversé
Blaise Compoaré a été condamné par contumace à perpétuité pour l’assassinat de son ami et ancien président Thomas Sankara. Son retour, aujourd’hui, au Burkina fait jaser, alors qu’il était absent durant tout son procès.
C’est à bord d’un Gulfstream G550 de la présidence ivoirienne que Blaise Compaoré a atterri à Ouagadougou. Costume bleu et cravate grise, bien nouée, aux côtés de Chantal Compaoré, son épouse, Blaise Compaoré retrouve ce pays qu’il a quitté en catastrophe à la chute de son régime. Ally Coulibaly, conseiller spécial en matière de sécurité du président Ouattara, l’accompagne dans ce voyage.
Les avocats de la famille de Thomas Sankara ne digèrent pas ce retour. Ils appellent les autorités judiciaires à « faire arrêter » l’ancien président. « On ne peut pas comprendre qu’une personne frappée de sanction aussi grave, qui s’est moquée de la justice depuis plusieurs années, revienne en homme libre. Que nous sommes encore en train de voir ? On se demande comment la justice va-t-elle appliquer la condamnation à perpétuité contre Blaise Compaoré ? », se demande Me Ferdinand Djammen Nzepa, avocat de la famille de Thomas Sankara, à Sahutiafrica.
Les enjeux de l’Etat
Siaka Coulibaly, analyste politique, estime qu’une partie de l’opinion souhaitait ce retour. Il reconnait tout de même qu’il existe « une controverse autour de cette question ». Pour l’analyste, la décrispation au Burkina Faso et compte tenu de l’importance des enjeux politiques, l’Etat peut considérer qu’il possible d’aménager l’action judiciaire à cette action politique. Il rappelle que le colonel Damiba s’est, dès sa prise de pouvoir, fixé l’objectif de restaurer la sécurité et de réconcilier les Burkinabè.
« Etant donné qu’il y a une polarisation des opinions dans la classe politique, une rencontre au sommet entre les différents représentants de branches de l’opinion politique nationale peut servir à décrisper le climat politique et à créer un contexte plus favorable à la mobilisation des ressources et à l’unité d’actions contre le terrorisme », croit Siaka Coulibaly.
Après sa chute le 31 octobre 2014, le président Compaoré s’est exilé en Côte d’Ivoire, voisine. Son successeur, Christian Kaboré, a dû faire face à la montée de la menace djihadiste et des attaques récurrentes de ces derniers.
Depuis 2015, le Burkina Faso, frontalier du Mali et du Niger, est confronté à des attaques de groupes djihadistes affiliées à Al-Qaïda et à l’Etat islamique (EI). Des incursions qui ont fait des milliers de morts. Et plus d’un million de déplacés.
Le chef de la junte au pouvoir a fait de la lutte contre l’insécurité une de ses priorités. Mais l’insécurité persiste. Le 12 juin dernier, une attaque djihadiste à Seytanga, dans le nord du Burkina Faso, a fait au moins 79 morts.
Trésor Mutombo