Panique, peur et incertitude à Kinshasa, capitale congolaise. Mardi 16 janvier 2001, ce jour-là, des rumeurs font état de l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila, tué par l’un de ses gardes dans son bureau. 48 heures après, elles sont confirmées. Le président est mort.
« Le Congo est en deuil », annonçait Sakombi Inongo, ministre de la Communication du gouvernement de transition. Mzée Laurent Kabila, arrivé au pouvoir à la faveur d’un putsch, a succombé de ses blessures. Les nuages se noircissent. Puis le ciel tombe sur Kinshasa. Regards figés et abattus, pleurs, cris… Cette nouvelle a attristé la capitale congolaise. « Je pleurais. Je ne savais pas pourquoi. Tout le monde à la maison pleurait aussi. Personne n’en revenait », raconte Angel Bamwe.
A cette époque, Angel est élève. Au moment de l’annonce de la mort du président, elle est assise à côté de ses parents, abattus et sans voix.
Vent de panique
Pour Jean Mutombo, père de famille, tout le monde était paniqué. « On ne savait pas ce qui allait se passe. On avait l’impression de faire un saut vers l’inconnu parce que nous étions assiégés par des rwandais, qui occupaient des postes de responsabilité. Le pays était sous tension », se souvient-il.
Pourtant, cette journée fatidique semblait être comme tout autre. C’est avant que tout ne bascule. Et même le cours de l’histoire d’un pays, à l’époque en guerre dans sa partie orientale. Ce jour-là, le président Laurent-Désiré Kabila a accordé quelques audiences. Avant de prendre son déjeuner, il reçoit Émile Christopher Mota, son conseiller pour des questions économiques. Le président devra aussi se rendre le lendemain à Yaoundé, capitale du Cameroun, pour prendre part à un sommet France-Afrique.
Selon Jeune Afrique, peu avant 14 heures, Rachidi demande à aller présenter ses civilités au président. C’est un jeune caporal originaire du Kivu alors occupé par des troupes rwandais et ougandaise, selon le ministre Sakombi Inongo. Lorsqu’il pénètre dans ce bureau, il se dirige vers le chef de l’État, dégaine son arme et lui tire dessus. Kabila est à terre. Il saigne. Il est atteint au cou et au bas-ventre, raconte la même source. Quelques gardes font irruption après des hurlements de M. Mota. Dans la foulée, Rachidi est tué. Le président est conduit à la clinique Ngaliema. Puis transféré au Zimbabwe.
«Mzée était en contradiction avec ceux qui l’avaient amené au pouvoir»
Entre-temps, les rumeurs de son décès bruissent à Kinshasa. La première indication « sérieuse » de la mort du Mzee viendra d’une capitale ennemie, Kampala, rapportait Jeune Afrique. En fait, les services secrets de Museveni annoncent avoir des informations sûres que le président congolais est mort. Toujours selon cette source, les Kinois semblent avoir refermé la parenthèse Kabila Ier, qu’ils surnomment déjà « le mort-vivant » ou « le président-fantôme ».
Jean Mutombo pense que la mort de Mzée devenait prévisible au regard du contexte politique et sécuritaire de l’époque. « Il était en contradiction avec ceux qui l’avaient amené au pouvoir. Il parlait d’un conglomérat des aventuriers. Les Rwandais ne voulaient plus de lui. Ils disaient que ce sont eux qui l’ont porté au pouvoir. Les congolais également n’en étaient pas d’accord », se rappelle-t-il.
Pour Georges Mirindi, garde de Laurent-Désiré Kabila, qui a vécu cet évènement, Mzée Kabila n’était plus en odeur de sainteté avec ses frères. « Au départ, je tenais Rachidi pour l’assassin, comme on le présentait. Mais j’ai fini par comprendre qu’ils ont tout affirmé sur Rachidi, mais il n’y a rien qui prouve, puisque même son arme a été cachée. Il y a le mensonge de Mota qui montre suffisamment qu’il n’était pas sous torture mais qu’il a librement changé de version. Donc je n’ai plus de doute sur le fait que, ceux qui ont manipulé, ceux qui ont fait des enquêtes biaisées, ceux qui ont fait des procès circuités, ils ne peuvent pas avoir fait cela gratuitement. Josep Kabila a agi activement. Kapend a agi activement, en inventant de fausses versions et en voulant orienter des pistes », a-t-il confié au micro de RFI.
Le nom de Laurent-Désiré est gravé dans les mémoires de congolais avec son slogan : « Ne jamais trahir le Congo ». Angel Bamwa affirme que « Mzée avait vraiment l’amour de ce pays ». « Celui qui nous avait sortis de la dictature, j’étais sûr qu’il allait amener ce pays à bon port. Mais hélas ! », croit-elle. La mort de Laurent-Désiré Kabila reste un tournant dans l’histoire politique congolaise. A sa mort, un autre Kabila, son fils Joseph, prend le pouvoir à seulement 29 ans. Des congolais se souviennent encore de cette journée fatigue du 16 janvier 22 ans après.
Joe Kashama