Les militaires sont à leurs postes, d’autres sur la tour des gardes. Le mur est haut, je dirai un peu plus de trois mètres de hauteur avec des fils barbelés et des débris des bouteilles cassées posés au-dessus pour dissuader ceux qui voudraient s’échapper de la maison carcérale. Nous sommes à la prison militaire de Ndolo, dans la commune de Barumbu, en plein cœur de Kinshasa, capitale de la RDC.
Pour raison de sécurité, aucun véhicule ne peut stationner devant le périmètre de la prison militaire de Ndolo. La rédaction de Sahutiafrica vous fait découvrir la vie dans le grand centre pénitentiaire militaire de Kinshasa.
On vous tient à l’œil
Les militaires qui assurent la garde dans la prison sont à leurs postes. Ceux commis à la sécurité veillent et filtrent les entrées. « Chef bonjour. Où vas-tu ? » interroge un militaire commis à la garde dès l’entrée de la prison. Aucun passager ne peut se balader dans ce domaine militaire. Pour y accéder il faut avoir une pièce d’identité. En plus, avoir une raison valable (entre autres visiter des prisonniers, assister aux audiences foraines). Dans le cas contraire, inutile d’insister. Même les agents de cette prison ne dérogent pas à la règle. Les femmes n’y accèdent pas en pantalon. Leurs têtes doivent être couvertes.
Mercredi, jour d’audience sur procès Chebeya et Fidèle Bazana, deux activistes des droits de l’homme assassiné en juin 2010. Nous y entrons. Pas facile d’accéder. Le chef de garde est présent. Les journalistes doivent avoir une accréditation en plus de la carte de presse pour assister à l’audience.
Le chef est rigoureux, mais clément. Après une vingtaine de minutes, il finit par laisser entrer les journalistes qui n’ont que la carte de presse. À l’intérieur, les militaires fouillent les visiteurs. Aucun métal ne passe. Même la nourriture est contrôlée pour ne pas y dissimuler des objets dangereux.
Officiers prisonniers ne mangent pas ensemble
Une fois dans la cour de la prison, une odeur de fumée est présente. Fumée de bois de chauffage utilisés pour la cuisson de la nourriture. Certains détenus se baladent calmement sous l’œil vigilant de militaires. En attendant l’heure du rappel pour que chacun rejoigne sa cellule, la vie poursuit son cours. Des prisonniers, en tenue jaune et bleu, cassent du bois de chauffe pour attiser le feu. D’autres sont autour du feu et tiennent de gros malaxeurs. Ils préparent du fufu dans une grosse marmite. Des restaurants de fortunes s’y trouvent également et les repas sont déjà prêts. Visiblement, ils ne sont réservés qu’aux aux officiers et militaires.
Des tentes sont construites sur le terrain de football de ce centre carcéral. L’audience a déjà débuté sous l’une de tente. Le public est moins nombreux. J’en profite pour prendre une photo de la cour. Un militaire m’interpelle. « Suis-moi », dit-il. Il m’extirpe hors de la tente. Il existerait un principe pendant le déroulement d’un procès auquel j’aurais dérogé. Aucun civil ne peut prendre de photo. Seuls les journalistes et les avocats peuvent utiliser le téléphone dans cet espace mais en sourdine. Une prise de photo dans cet espace peut conduire à des réprimandes.
« Sentez-vous à l’aise M. le journaliste »
« Qui es-tu pour prendre les autorités en photo? », me demande-t-on. En plus qui t’as permis d’entrer avec ton téléphone ici ? Tu ne sais pas que c’est interdit d’utiliser le téléphone ici? » m’interroge-t-il. Les questions fusent. Je n’ai pas le temps de répondre. « Je suis journaliste », est ma réponse. Je garde mon calme. Mon matériel rangé dans mon sac. Le militaire semble déstabilisé. Malgré tout, ses collègues le pousse à confisquer mes téléphones.
L’officier, qui veille à l’ordre pendant le déroulement de l’audience avance vers nous. Les avocats et les collègues journalistes dirigent leurs regards vers la scène. L’attention d’autres prisonniers dans la cour de la prison est attirée. Ils s’y intéressent aussi. L’officier n’est pas de grande taille. Il baisse ses lunettes de soleil, sourcils froncés, apparemment il est déjà informé de ce qui se passe. « Ils vous ont fait du mal ? ils vous ont pris quelque chose », me pose-t-il la question. Ma réponse est négative.
« Sentez-vous à l’aise M. le journaliste » ajoute-t-il. Il ordonne au même militaire de me raccompagner à ma place. L’audience se poursuit. Elle ne dure pas longtemps. En fait, le juge a décidé de la reporter d’une semaine pour la comparution d’un nouveau témoin, extradé de la Turquie. C’est l’heure de sortie.
En petit groupe, les gens avancent vers la sortie. Il faut présenter les jetons avant de sortir de l’enceinte de la prison. Faute de quoi les séjours seront prolongés dans cet enclos jusqu’à la vérification de l’identité de tous les prisonniers. Je m’en sors heureusement, sans passer plus d’heures dans cette prison.
Joe Kashama