Au Tchad, une manifestation contre la candidature du président Idriss Déby a été dispersée par la police à N’Djamena, la capitale samedi 28 mars. Mahamat Nour Ibedou, défenseur de droits humains, indique qu’ils manifestent pour empêcher la tenue du scrutin présidentiel du 11 avril prochain au Tchad. Au pouvoir depuis 30 ans, le président Idriss Déby Itno est candidat pour un sixième mandat. L’opposition appelle au boycott. Dans une interview accordée à Sahuti Africa, Mahamat Nour Ibedou affirme qu’il faut un dialogue inclusif pour décrisper le climat politique et éviter une crise post-électorale. Il accuse le pouvoir de réprimer toutes les manifestations contre la candidature du président Déby.
Sahuti Africa : Vous avez été arrêté lors de la manifestation du samedi passé, d’autres manifestations sont prévues. Peut-on craindre une crise électorale au Tchad?
Mahamat Nour Ibedou: Absolument. Parce que là, nous n’avons pas l’intention de laisser tomber. Quoi qu’il arrive, notre objectif est d’empêcher l’élection du 11 avril. Si nous n’y arrivons pas, l’après élection risque d’être plus mouvementé que maintenant.
SA : Pourquoi organiser des manifestations contre la candidature du président Idriss Déby, alors que la Constitution lui permet d’être candidat à la présidentielle?
MNI: Nous estimons que tout Tchadien qui remplit les critères et qui est apte d’être candidat à la présidence peut se présenter. Mais le problème, c’est que Déby n’est pas un candidat ordinaire. Déby est le Chef de l’État qui a affamé le pays pendant 30 ans. C’est le Chef de l’État qui a mis le pays à terre. En tant que défenseur de droits de l’homme, nous pensons qu’avec sa gestion calamiteuse, il ne peut plus se représenter. On est dernier dans toutes les statistiques, on n’a pas d’eau potable. Il n’y a pas d’électricité par exemple chez-moi, depuis trois jours. Et, je ne parle pas des détournements de deniers publics, de la gabegie et des injustices parce que le clan Déby domine tout le monde. Tous les autres Tchadiens sont complètement écrasés par une injustice sans pareil. Nous avons estimé que maintenant, ça suffit. Il faut qu’il arrête parce qu’il ne semble pas légitime pour continuer à perpétrer la souffrance du peuple tchadien.
SA : Aujourd’hui, qu’est-ce qui bloque l’organisation du dialogue ?
MNI: Déby n’aime pas le dialogue. Déby ne veut pas dialoguer. Les rapports sont rompus entre lui et l’opposition. Plusieurs organisations droits de l’homme et certains gouvernements, voire certains de ses alliés qui lui avaient conseillé d’organiser un dialogue pour décrisper le climat politique sont en froid avec lui. Mais, il persiste à vouloir rester à la tête de ce pays, alors que les Tchadiens sont écrasés par la misère.
SA: Certains candidats de l’opposition appelle au boycott des élections. D’autres sont portés disparus à l’instar de Yaya Dillo Djérou. Que peut-être le format de ce dialogue inter-tchadien ?
MNI : Nous avions déjà un plan d’un dialogue inclusif. Nous avons proposé ce format depuis longtemps. Nous avons organisé une rencontre à Genève avec les rebelles politico-militaires. Nous sommes allés les voir parce qu’il y a des rebellions. Figurez-vous qu’il n’y a pas d’espace d’expression. Donc, certains ont failli prendre des armes contre Déby.
On va s’asseoir la société civile, les partis de l’opposition, le parti au pouvoir et les rebelles dans un dialogue global et inclusif avec toutes les parties prenantes. Et là, on va préciser le cadre et redéfinir le futur parce qu’il va droit vers un mur. Le Tchad a déjà connu des moments difficiles. Nous attendons la tenue d’un dialogue. Mais apparemment, lui refuse complètement le dialogue. Monsieur Déby veut absolument une élection. Certains opposants se sont retirés de la course.
SA: Pour le parti au pouvoir, l’élection ne sera reportée qu’en cas de force majeure. Est-ce qu’aujourd’hui, le Tchad est-il dans cette situation ?
MNI : Il n’y a aucun doute possible. Comment pouvez-vous imaginer que vous avez une dizaine de candidats, dont la moitié désistent et qu’ils pensent que cette élection est de la mascarade et qu’une crise électorale est déjà là. Une manière pour délégitimer un sixième mandat. La société civile a raison de protester parce qu’elle estime qu’un sixième mandat va être un désastre pour un pays que Déby a complètement mis à terre.
Nous pensons qu’en ce moment, nous n’allons pas arrêter les marches. Beaucoup de partenaires experts du Tchad ont conseillé au Président Déby d’organiser un dialogue pour s’écarter parce que la crise va persister. Elle va aller crescendo. Tous les ingrédients sont réunis pour qu’il arrête avec ses histoires et qu’il organise ce dialogue avec un gouvernement de transition qui sera tiré dans ce cadre.
Propos recueillis par Trésor Mutombo