Pour sa première activité publique depuis son retour d’exil, l’opposant Succès Masra, leader du parti Les Transformateurs, a, dimanche 19 novembre, recommandé la réconciliation avec le pouvoir.
Pour lui, un accord a été signé avec le pouvoir du général Mahamat Idriss Déby, président de transition que dirige. Succès Masra affirme que « cet accord prévoit une amnistie générale pour les responsables des meurtres de manifestants du 20 octobre 2022, pour la quasi-totalité de très jeunes hommes tués par les balles des policiers et militaires, dont une cinquantaine selon le pouvoir ».
Plus de 300 selon l’opposition, des ONG nationales et internationales et un rapport d’experts mandatés par l’Organisation des Nations Unies.
M. Masra exhorte des centaines de ses partisans rassemblés à N’Djamena. Ils les appellent à « l’apaisement et à ne pas réclamer vengeance ». « Je pries Dieu pour qu’il apaise les cœurs des victimes et leurs familles, et les guide vers la responsabilité collective. La réconciliation n’est pas une capitulation », a-t-il lancé.
Au Tchad, le discours de l’opposition a été ponctué d’ovations d’une foule compacte de partisans habillés aux couleurs nationales. En fait, ce discours de l’appel à la réconciliation de Masra est intervenu à un mois du référendum constitutionnel. « Notre frère Mahamat Déby peut compter sur nous comme un allié du peuple. Nous sommes prêts à poursuivre avec les autorités pour trouver une solution globale », conclut-il.
Mais, Max Kemkoye, président de l’Union des démocrates pour le développement et le progrès (UDP), appelle la population à boycotter le référendum du 17 décembre prochain. Il juge l’amnistie comme le moyen « soustraire à la poursuite les criminels qui ont tué en masse, torturé, enlevé et fait disparaitre les jeunes le 20 octobre 2022 ».
Le 20 octobre 2022, plus de 600 jeunes hommes, dont 83 mineurs, ont été arrêtés au moins un millier selon l’opposition et déportés dans le sinistre pénitencier de Koro Toro en plein milieu du désert. La plupart ont été condamnées un mois et demi plus tard à de la prison ferme pour « insurrection » dans un procès de masse sans avocats.
Mais, ils ont été rapidement graciés par le général Déby et remis en liberté. L’opposition et des ONG internationales affirment que des dizaines, voire des centaines ont disparu le 20 octobre et les jours suivants, exécutés ou décédés lors de leur transport à Koro Toro.
Depuis le retour de Succès Masra, le reste de l’opposition, notamment le nombre de dirigeants sont encore en exil, dénoncent un « accord de dupes ». Selon eux, c’est un ralliement de M. Masra au pouvoir dans la perspective d’élections promises pour 2024.
Au Tchad, le général Déby a été proclamé par l’armée le 20 avril 2021 comme président de transition à la tête d’une junte de quinze généraux à la mort de son père Idriss Déby Itno, tué par des rebelles en se rendant au front après avoir dirigé le pays d’une main de fer durant trente années. Il a promis de rendre le pouvoir aux civils par des élections au terme d’une transition de 18 mois, prolongée finalement de deux ans 18 mois plus tard.
Josaphat Mayi