A l’approche du référendum constitutionnel en Centrafrique, prévu le 30 juillet, Albert Yaloké Mokpeme, porte-parole du président Faustin-Archange Touadéra, se confie à Sahutiafrica.
Le Oui va-t-il l’emporter ? La réponse sera connue à l’issue du référendum constitutionnel. Le 10 juillet dernier, le président Faustin-Archange Touadéra, élu en 2016 et réélu en 2020, a remis le projet de nouvelle Constitution à la direction nationale de la campagne référendaire. Si ce projet est validé, le compteur devra être remis à zéro. Et le chef de l’Etat centrafricain pourra briguer un troisième mandat. Selon ce texte, le mandat présidentiel passe de 5 à 7 ans sans restriction. Le projet de nouvelle Constitution prévoit aussi une réforme profonde de la Cour constitutionnelle. Mais l’opposition accuse le président Touadéra de vouloir s’éterniser au pouvoir, dénonçant un coup d’Etat constitutionnel. Pour Albert Yaloké Mokpeme, le président Touadéra va rester au pouvoir tant que le peuple centrafricain le décide. Entretien.
Sahutiafrica : Pourquoi changer de Constitution maintenant ?
Albert Yaloké Mokpeme : La Constitution est quelque chose de mouvante. Il y avait des choses à recadre après la transition que nous avons vécue. Le peuple centrafricain est d’abord là-dessus. Il y a des choses qu’il faut modifier dans la Constitution. Et alors, c’est quoi le problème. Une Constitution ne doit pas être retouchée ? Il y a des pays qui sont à leur dixième ou vingtième modification de la Constitution. Et pourquoi en République centrafricaine, on ne doit pas le faire.
SA : Vous estimez que la Constitution de 2016 ne reflète pas les réalités centrafricaines ?
AYM : L’aspiration du peuple, oui. Puisqu’on parle de transition dedans, alors que nous sommes revenus à l’ordre constitutionnel. On n’a pas besoin de parler de la transition qui fait partie de la Constitution de 2016. Cette Constitution ne prévoit pas le cas de force majeure, c’est-à-dire que comme nous vivons régulièrement des crises en période de turbulence ainsi et de suite. Et qu’au cas où on souhaiterait organiser les élections et qu’il y a des turbulences, comment le pays doit être géré. Il faut que la Constitution prévoie de permettre au président de la République de gérer le pays en cas d’urgence. Ce qui n’a pas été prévu dans la Constitution de 2016.
SA : Le projet de nouvelle Constitution jette-t-elle des bases d’une nouvelle Centrafrique ?
AYM : C’est notre volonté. Aujourd’hui, on veut donner à la République la possibilité d’exercer en tout souveraineté la gestion de notre pays. Nous ne voulons plus que notre pays soit géré par procuration.
SA : Ce référendum constitutionnel veut aussi dire que le compte est remis à zéro et que le président Touadéra pourrait briguer un troisième mandat ?
AYM : On s’en fout ! Est-ce que lorsqu’on change une Constitution, cela veut dire qu’on reconduit le président en exercice ou prolonger son mandat ? Ce peuple, qui élu le président en exercice, un candidat et un nouveau président. La Constitution ne le dit pas. Il y a des dispositions. J’espère que vous avez parcouru le projet qui est présenté au peuple pour validation. Le peuple centrafricain est souverain. On nous a toujours imposé de chefs de l’Etat, on a toujours fait ceci… Mais nous ne sommes plus dans cet état d’esprit.
SA : Mais cela ouvre une brèche au président Touadéra, qui a été réélu pour un second mandat en 2020, de briguer un troisième mandant ?
AYM : Le président Faustin-Archange Touadéra n’a jamais parlé de ce sujet. Et si le peuple centrafricain le veut, cela ne pose de problème à personne. Nous sommes un pays souverain. Est-ce que vous n’avez pas entendu, dans un pays comme la France, on dit qu’on voit la possibilité pour que le président Macron fasse ceci ou cela. Pourquoi cela se passe normalement ailleurs, alors que chez nous, on pense que le président Touadéra veut rester éternellement au pouvoir. Vous croyez le président Touadéra n’a que ça à faire ?
Le président Touadéra est un homme politique centrafricain. C’est quelqu’un qui aime la liberté et la souveraineté de notre pays. Il n’a jamais annoncé qu’il souhaitait rester au pouvoir tant qu’il veut, mais tant que le peuple le décide. Le peuple décide quand ? Pendant les élections. Le président Touadera le sait. Il ne cherche pas à être au pouvoir pour le plaisir d’être au pouvoir, mais il a la volonté de développer notre pays et de changer de paradigme. On nous impose des choses dans des conditions que nous ne voulons plus. Nous voulons de coopérations gagnants-gagnants. L’objectif pour lequel les Centrafricains veulent aujourd’hui être souverains du pouvoir dans leur pays.
SA : Ne craignez-vous pas que ce changement de Constitution crée de polémiques et de tensions dans le pays ?
AYM : Vous savez que dans un pays, on n’a pas l’unanimité. Dans un pays où le président est élu, il y a des gens qui ont voté pour lui. Et ceux qui ne l’ont pas voté. Mais il va travailler pour tout le pays. Et alors, cela crée des dissensions. Ceux qui ne sont pas d’accord, ils sont minoritaires. Vous voulez qu’on fasse quoi ? Qu’on n’applique pas notre politique ? Ce n’est pas l’opposition qui dirige le pays. C’est la majorité, c’est-à-dire, celui qui a gagné les élections doit diriger le pays conformément à la politique qu’il a promis au peuple centrafricain et que le peuple centrafricain a approuvé.
Entretien réalisé par Trésor Mutombo