Dans une interview à Sahutiafrica, Placide Mabaka Mukwabuhika, analyste politique congolais, affirme qu’il faut penser à l’exclusion des confessions religieuses dans la gestion des affaires de l’État. Pour l’analyste politique, toutes les confessions religieuses jouent une carte politique sur la désignation du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). En RDC, les leaders religieux n’ont pas trouvé de consensus malgré le délai ultime de 72 heures leur accordé par Christophe Mboso, président de l’Assemblée nationale.
Sahutiafrica : le blocage persiste sur la désignation du président de la CENI. Qu’est-ce qui explique que les chefs religieuses n’arrivent pas à trouver un consensus ?
Placide Mabaka Mukuyabiyika : Le problème, c’est déjà la question même du consensus et l’intervention des institutions religieuses dans la gestion de l’État. Il y a d’abord une grande contradiction. L’article 1er de la Constitution dit que la RDC est un État laïc. Je ne comprends pas pourquoi aujourd’hui ou à Sun City parce que tout vient de là, on a intégré les organisations religieuses dans la gestion des affaires de l’État. C’est le premier problème. Le second, c’est le fait de décider que ça se passerait par consensus. Bien sûr qu’il y a leur règlement intérieur. Mais le consensus veut dire unanimité. Ils ne sont pas unanimes. Il y a forcément un blocage. Il fallait poser des règles qui sont claires et transparentes, qui facilitent un peu l’adoption.
Toujours dans la même perspective, lorsqu’on voit le poids des églises catholique et protestante, les six autres confessions religieuses ne pèsent pas. Même si, on dit que dans la règle de la démocratie, c’est une personne un vote ou une organisation un vote. Ici, on n’est pas dans cette approche. On devrait voir le poids démographique. Je ne connais pas le fond de la raison qui justifie l’absence de consensus. Mais je comprends que l’ECC et l’église catholique fasse front commun par rapport aux six autres organisations religieuses.
SA : Mais si on ne parvient pas à trouver un consensus, l’élection n’est-elle pas l’unique voie ?
PMM : Pourquoi pas, si le règlement l’exige. Personnellement, une fois que ce problème aurait été réglé, on doit penser justement à l’exclusion des confessions religieuses dans la gestion des affaires de l’État. Il faut trouver d’autres solutions pour la désignation de membres de la CENI, dont son président. Il faudrait lancer des réformes pertinentes, qui vont permettre à ce que l’on ne tombe pas dans ce travers qui bloque le bon fonctionnement des institutions d’appui à la démocratie.
SA : Aujourd’hui, quel est l’enjeu autour de la désignation du président de la CENI pour que ça bloque autant ?
PMM : En RDC, nous fonctionnons dans la méfiance. Au niveau des institutions, on n’a pas confiance dans les acteurs, notamment en matière électorale. On craint la fraude. D’après ce que j’attends dire, ce que je lis d’ici et là, Denis Kadima serait un proche de l’actuel président et aurait déjà travaillé avec lui. On craindrait une fraude anticipée dans l’organisation des élections en 2023. On n’a pas confiance à certains acteurs, se disant que ceux-là vont travailler au profit de celui, qui est en place parce que c’est lui qui organise les élections n’échoue pas. Mais il faut sortir aussi de cette méfiance et de ce tribalisme en quelques sortes enfuies dans le subconscient de Congolais. Mais je comprends quand même la résistance des églises catholique et protestante tout simplement parce qu’au niveau de la représentativité, elles ne peuvent de se laisser faire par rapport aux six confessions religieuses qu’elles estiment d’ailleurs comme étant corrompues. Parce qu’on dit de l’église Kimbaguiste qui a présenté Denis Kadima comme étant une organisation qui travaille toujours en lien avec le pouvoir. Elle ne peut pas travailler contre. C’est leur idéologie.
Propos recueillis par Trésor Mutombo